Deutsche Bahn : chiffre d'affaire prévu à la baisse et recentrage sur le coeur de métier
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16/12/2015

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Avec ses 200.000 salariés, la Deutsche Bahn est l’un des plus gros employeurs d’Allemagne et le numéro un des chemins de fer en Europe. Le groupe emploie encore 100.000 autres personnes dans les filiales étrangères. Depuis 1999 et la « Bahn Reform », la holding DB AG est une entreprise intégrée, qui se distingue par une filialisation importante. Elle possède ainsi au niveau fret le géant DB Schenker présent partout en Europe, ainsi qu’Arriva, une société de transport public trains-tram-bus qui a gagné de nombreux marchés de transport publics et enregistre 2,2 milliards de voyages par a en Europe principalement (voir la fiche synthèse).

Mais tout n’est pas rose pour ce géant du rail. Depuis 2002, le Groupe DBAG aurait dépensé environ 7 milliards d'euros pour les acquisitions, dont beaucoup seraient controversées et pas toujours rentable. Et puis l’environnement socio-économique a évolué. « Aujourd'hui, nous avons beaucoup plus de trafic sur nos rail. En 1994, on enregistrait un trafic de 65 milliards de passagers-kilomètres. Il est actuellement de 89 milliards. Cela a conduit à une forte charge, dont les inconvénients se propagent aux noeuds ferroviaires et au respect des horaires » rapporte Maria Leenen, consultante chez SCI Verkehr. DB Schenker n’est pas non plus au mieux de sa forme et en coulisses, on fait remarquer que le côté « logistique » de Schenker n’a pas amené davantage d’interaction avec le rail « DB », ces deux industries – pourtant regroupées pour maximiser leurs métiers – fonctionneraient encore trop avec leur propre logique industrielle. Du coup, le géant de la logistique a une rentabilité nettement plus faible que ses concurrents, comme Kuehne + Nagel ou DHL. Enfin la mobilité des personnes, avec l’irruption de nouveaux modes de déplacements – covoiturage, bus – achève un bilan en demi-teinte et oblige la grande compagnie allemande à revoir sa politique et ses objectifs. Elle va d’ailleurs réformer également sa structure comme le rappelle ce précédent article.

Depuis juillet dernier, on sait que la grande maison prévoit pour les années à venir une chute drastique du chiffre d’affaire : les 70 milliards initialement visés pour 2020 tomberaient à 47 milliards la même année. En outre, la DB essuiera en 2015 une perte nette d’1,3 milliard euros en raison d'importants coûts de restructuration et d'ajustements comptables, alors que le chiffre d’affaire s’élève à plus de 40 Milliards d’euros. La compagnie a en outre procédé à l’ouverture le 9 décembre dernier d’une nouvelle LGV (NBS en allemand) entre Erfurt et Leipzig, alourdissant son passif.

La réunion du Conseil de surveillance de ce 16 décembre 2015 devait donc discuter d’un plan de restructuration du holding mais pas de cessions d’actifs. La décision sur une possible vente d’Arriva ne sera prise qu’en février 2016 « au plus tôt » selon les sources internes. Cette dernière vient d’ailleurs de signer un contrat de 9 ans en Grande-Bretagne en gagnant la franchise « Northern Rail », preuve de l’internationalisation de la compagnie.

Le morceau le plus costaud est une diminution de l’emploi d’environ 5.000 équivalents temps-plein, et il est dit que c’est la branche fret DB Schenker qui serait la plus touchée. Mais il y a aussi demande forte pour ce que la « Bahn » se recentre sur son cœur de métier, les trains. Au point que les salaires de la direction dépendront de la ponctualité en 2016. 

Le projet « Zukunft Bahn »
Des retards, des défaillances techniques, un mauvais service - l'image de la Deutsche Bahn est très mauvaise si on croit la presse, mais il faut relativiser. Le projet « Zukunft Bahn » (Chemin de fer pour le futur) devrait changer la situation. Certains problèmes seront éliminés rapidement, d’autres seront résolus dans plusieurs années. Le plan présenté comporte ainsi trois phases.
Une élimination des disfonctionnements (2016) : amélioration des systèmes d’information, notamment concernant les changements de voie des trains en dernière minute. Mais surtout, trouver une parade aux 14% de trains Inter-City qui ont encaissé des retards de plus d’un quart d’heure cette année. Il est ainsi prévu, sans autre précision, d'externaliser à l'avenir les trains de nuit. Des ICE ferait office de services nocturnes, comme les autocars...
Une qualité « convaincante » (2017-2020) : une amélioration de la qualité des trains longue distance et l’implantation de zone d’attente bien meilleure en gare. Sans compter une extension du réseau wifi gratuit pour devenir le plus grand réseau « sans fil » d’Allemagne, dixit la compagnie. L’internet deviendrait le canal de vente dominant. En ce qui concerne de la manière de convaincre, une refonte de la manière de répondre aux appels d'offre pour trafic régionaux est dans les cartons, la DB venant encore de se faire souffler le réseau de Nuremberg (voir par ailleurs)
Une performance « qui inspire » (2020-2030) : les détails manquent encore pour une modernisation à plus long terme du service ferroviaire, une troisième phase centrée encore davantage sur le client.

Les membres représentants du personnel n'ont pas avalisé ces projets tels quels, estimant que la baisse des coûts se ferait selon eux uniquement sur le personnel.

Tout cela ne doit cependant pas faire croire à la fin d’un modèle, comme le suggère certains pessimistes. La DB est une grande maison et a pu montrer des voies de renaissance. Mais la crise a changé les clients et leur mode de consommation des voyages. Le prix des choses, leur qualité et leur fiabilité sont les critères absolument déterminant pour l’avenir, loin devant les concepts de service public ou de transport sans énergie fossile.