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Thalys - fiche synthèse
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France/Belgique - 1996 - opérateur de train à grande vitesse - FR, BE, DE, NL

Thalys est le nom d'un opérateur de train international à grande vitesse qui exploite des services entre Paris et Bruxelles, avec extension vers Amsterdam, Cologne et Essen (DE). À l'origine, Thalys International a été créé en tant que Westrail International, une société coopérative de droit belge et filiale commune de la SNCF et la SNCB, qui fût rejointe par une filiale spécialement créée par les entreprises ferroviaires néerlandaise et allemandes. Le but de cette société est de gérer un réseau à grande vitesse couvrant l'Allemagne, la Belgique, la France et les Pays-Bas. Son capital a été divisé entre la SNCF (62%), la SNCB / NMBS (28%) et la Deutsche Bahn (10%). Les chemins de fer néerlandais (NS) n’étaient pas actionnaires mais furent responsable de l'exploitation des Thalys aux Pays-Bas.

Les services à grande vitesse ont débuté le 2 juin 1996 entre Paris et Bruxelles lorsque l'ensemble du trafic classique Benelux-Paris fût transféré vers un service intégralement TGV. De Paris, le voyage à Bruxelles prenait 2h03, pour 4h47 jusqu’à Amsterdam. A partir de Décembre 1997, la liaison est entièrement assurée par une ligne à grande vitesse entre les deux capitales. Le temps de voyage entre Paris, Bruxelles et Amsterdam fût alors réduit d’une demi-heure. Le service a ensuite été étendu vers l'Allemagne, via Liège, Aix-la-Chapelle et Cologne. En Belgique, des services TGV furent également offerts sur des liaisons régionales, vers Namur et Charleroi, et vers Gand, Bruges et Ostende. En 1999, Westrail international devient Thalys International.

Les services ont été créés en dehors de Paris vers le sud de la France. Depuis décembre 1998, pendant l'hiver, un Thalys Neige offre un service vers la vallée de la Tarentaise à Bourg-Saint-Maurice. Et à partir de 2001, une liaison Thalys Soleil fût créé vers Valence d’abord, étendu en 2002 à Avignon-TGV et Marseille lorsque la ligne à grande vitesse « Méditerranée » a été inauguré. En 2015, Thalys fournissait depuis Bruxelles, chaque jour, 23 services vers Paris, 12 vers Amsterdam-Central et de 6 vers Cologne dont trois services jusqu’à Düsseldorf et Essen. De nouveaux services ont encore été inaugurés pour la première fois à partir de Lille, vers Amsterdam et vers Genève. En Avril 2015, les Thalys  régionaux belges de / vers Ostende et Mons-Namur-Liège ont été supprimés en raison d'un mauvais accord politique en Belgique.

Matériel roulant
Thalys utilise une flotte de 26 rames de type TGV d’Alstom,  compatibles avec les différentes caractéristiques électriques des quatre pays traversés ainsi que de leur signalisation respective. Depuis 2009, seules les LN3 et LN4 belges, ainsi que la HSL néerlandaise, disposent de l’ETCS niveau 2. La LGV Paris-Bruxelles dispose de la TVM SNCF et la LN2 Louvain-Liège, de la TBL2. Pour desservir la totalité du réseau, la flotte doit être compatible avec le KVB et la TVM (France), la TBL1 et la TBL2 (Belgique), l’ATB (Pays-Bas), le PZB (Allemagne) et enfin l’ETCS 2 là où c’est installé.



La première série de Thalys provient directement des TGV Réseau de la SNCF, et a été construite par Alstom entre 1992 et 1996. Ces 9 rames tricourant (1,5kV-3kV-25kV) officient entre Paris, Bruxelles et Amsterdam, mais bien entendu pas vers l’Allemagne, d'où leur nom, PBA. Elles furent aussi utilisées sur les Thalys régionaux vers Ostende, et Liège-Namur-Mons, ainsi que sur les Thalys saisonniers vers le Sud de la France et les Alpes. Les Thalys PBA sont toutes propriétés de la SNCF. Après la remise à neuf en 2009, le Thalys PBA offre 361 sièges.

Les dix-sept autres rames construites en 1996 et 1997 reprennent le concept des TGV Duplex SNCF en ce qui concerne les motrices, dont l’esthétique a été grandement améliorée. L’ensemble encadre toujours un tronçon de huit voitures similaires aux TGV Réseau. Techniquement, ces TGV désignés PBKA sont très proches des TGV Réseau, le « K » indiquant qu’elles atteignent Cologne et qu’elles sont donc quadri tensions, le 15kV allemand s’ajoutant. Le Thalys PBKA offre 377 sièges.

Depuis le 31 Mars 2015, DB a cessé d'être un actionnaire de la société, bien qu'elle continue à assurer l'exploitation des Thalys en Allemagne, la SNCF et la SNCB devenant ainsi les seuls actionnaires avec une répartition 60/40. Selon la CEO, la nouvelle organisation devrait permettre de prendre le contrôle des choses et de donner la possibilité d'aller plus loin et plus vite, notamment en ayant la gestion complète de son personnel (recrutements) et de ses sillons ferroviaires. Thalys International aura transporté près de 7 millions de passagers au cours de l’année 2014 et réalisé un chiffre d’affaires en hausse de 3% de 500 millions d’euros.

Voir d’autres photos à ce lien

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Oui, on peut sauver les trains de nuit

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02/02/2015

Quitter Amsterdam le soir et se réveiller à Florence le lendemain. Une expérience vécue par des dizaines de millions de personnes, avec cette magie de quitter un environnement pour en retrouver soudainement un autre tout différent. C’était cela, la magie du train de nuit, qui est relatée notamment dans cette video. Mais aujourd’hui, de sombres perspectives semblent s’abattre sur un mode de transport quelque peu marginal. Que se passe-t-il donc ?

Un déclin certain
Disons-le d’emblée : les trains de nuit s’adressent avant tout à un marché de niche, tout le contraire du réseau ferroviaire Inter city à haut débit. Ils sont très sensibles à la conjoncture et aux changements sociétaux. Les chiffres confirment l’utilisation de plus en plus faible des services nocturnes, mais pas de tous. Comme le rapporte The Guardian en 2014, un porte-parole de Die Bahn déclarait que le marché des trains de nuit avait chuté de 25% au cours des cinq dernières années, tandis que trois lignes moins rentables avaient perdu près de 12 Millions €.

Le Caledonian Sleeper relie Londres à l’Ecosse. Ici en gare d’Edimbourg Waverley (photo Norm via flickr CC BY-NC-SA 2.0)

L’Italie, qui a au cours des dernières années a réduit le nombre de relations domestiques reliant le nord au sud du pays, a été confrontée à une réduction des services de nuit de train, à la fois en termes de ressources publiques affectées à leur fonctionnement et en raison de la diminution progressive de leur utilisation, qui a subi une forte baisse à l'arrivée des vols low-cost, de la concurrence des bus et du lancement du réseau à grande vitesse.

Les résultats peu enviables de l'activité des trains nocturnes font que la compagnie allemande n’envisagerait même plus de renouveler les voitures-couchettes et ni les voitures-lits, ne conservant que le matériel pour les meilleures liaisons et pour répondre aux seules pointes estivales, notamment les Autozug vers le sud de l’Europe.

Les trains-autos-couchettes aussi
Il s’agit de trains de nuit avec lesquels on peut emporter sa propre voiture, sur un wagon spécialisé, comme le montre un cliché ci-dessous. Ces services ont été développés dès les années 60, à une époque où les autoroutes vers le soleil méditerranéen étaient encore embryonnaires. Les pays du Benelux et l’Allemagne lancèrent ainsi de nombreuses relations en direction de St Raphaël, Narbonne, Bordeaux, Livorno, Villach,…Depuis lors, le réseau autoroutier s’est fortement étendu et, combiné avec les grands progrès de l’automobile, faire 1000 km par route de nos jours n’a plus rien de « l’aventure » d’il y a 40 ans. Ce marché de niche est encore plus petit. En Allemagne, les résultats d’Autozug montrent qu’en 1999, près d’un demi-million de clients avait fréquenté le service. En 2013, ils ne furent plus que 200.000, soit une baisse de plus de la moitié. Il est difficile de croire que ce trafic microscopique TAA peut contrebalancer les dizaines de millions de voitures qui traversent chaque année les Alpes via le Gothard ou le col du Brenner en Autriche ou sur l'A7 vers le Sud de la France. Le trafic de tourisme sur les autoroutes grossit sans cesse et la plupart des gens ne veulent pas changer leurs habitudes de vacances. EETC, la société néerlandaise de Train Auto, demande tout de même 2.000 € pour une voiture et quatre personnes entre la Hollande et la Toscane. Ce n'est pas à la portée de toutes les bourses...


EETC, une compagnie néerlandaise qui organise des trains-autos-couchettes vers le soleil méditerranéen, sauf vers la France, à cause des péages d'infrastructure excessifs. Mais en été 2015, cette société a arrêté ses activités pour l'ensemble du business model, intenable au niveau des coûts d'accès (photo Mediarail.be)

Les causes
Elles sont multiples, à commencer par l’organisation ferroviaire internationale. Il y a encore vingt ans les chemins de fer nationaux coopéraient pour exploiter les services de nuit et les opérations faisaient l’objet de subventions croisées. Il n’y avait pas de péages d’infrastructure en tant que tels comme actuellement mais seulement des arrangements croisés dont personne ne connaissait le coût ! Des coentreprises complexes furent mises sur pied et des arrangements réciproques soutenaient les opérations, basés sur un horaire annuel. La circulation des trains de nuit sans une subvention était tout simplement impossible.

En outre, il y a très peu de trains-blocs vu l’étroitesse du marché. Il fallait donc intégrer seulement 3 à 4 voitures de nuit dans le dernier express du jour et découpler la partie "internationale" à la frontière, pour l’intégrer dans autre train express du réseau voisin. Mais pas systématiquement. En effet, chez le voisin, il n’y a pas d’express la nuit non plus, de sorte qu’un train de nuit très court devait poursuivre son voyage seul jusqu’au petit matin où il peut à nouveau être intégré dans un énième premier train express de la journée. Dans certains cas, pendant la nuit, plusieurs parties de trains de nuit sont découplées puis recomposées pour former un train de plus grande longueur. Cela oblige à maintenir du personnel de manœuvre toute une nuit, parfois pour un seul train ...

Le matériel roulant
Il est très âgé, et son marketing aussi. Nous trouvons tout d'abord les wagons-lits inventés par le belge Nagelmackers en 1880. La plupart des voitures-lits datent à présent des années 70 et les voitures-lits les plus modernes ont été construites dans les années 90, en Allemagne, en Finlande et…en Russie. Ces voitures confortables offrent dix cabines avec seulement 1 à 3 lits (et non «couchettes»). Capacité: la plus moderne des voitures de type MU (Modèle Universel) dispose de 12 cabines à trois lits, pour seulement 36 voyageurs au maximum. La SNCF a produit dans les années 70 une voiture-lit appelée "T2", avec 18 cabines superposées de deux lits, également pour 36 voyageurs. On peut comparer avec une voiture de seconde classe classique disposant de 88 sièges... Pour démocratiser un marché jugé trop luxueux, les Allemands et les Français ont introduit de nouvelles idées dans les années 60: la «voiture-couchette». Cette voiture peut embarquer 60 voyageurs dans 10 compartiments de 6 couchettes. Le ratio à l'essieu est dès lors meilleur qu'un wagon-lit de 36 voyageurs...

Les trois classes disponibles, de gauche à droite : voiture-lits, voitures couchettes, voitures coach (photos du site web CNL)

Tous ces modèles existent encore aujourd'hui. Seuls les Allemands ont réinventé le concept dans les années 1990, avec la création de «City Night Line » (photo ci-dessous), qui relie la plupart des villes allemandes avec de la Suisse, l'Autriche, mais pas avec le reste de l’Europe. Le clou de la compagnie est sa fantastique voiture-lit double étage où certaines cabines ont une douche. Au-delà de ça, les voitures-couchettes proviennent du parc existant et n’ont pas donné lieu à un nouveau concept. Pour démocratiser encore davantage le service, il a été introduit en Italie, en France et sur les services CNL des voitures à couloir central avec sièges inclinables. Cet ensemble de mesures était destiné à booster la charge et la longueur des trains, mais le succès fût mitigé.

Voiture-lits WLABm171 double étage sur le 1259  « Sirius » Zürich-Berlin à Bâle, le 4 juin 2014. Ces voitures, relativement jeunes, serainet coûteuse à l'entretien. Dommage ! (photo Nik Morris via flickr CC BY-NC-SA 2.0)

Des tarifs anti- commerciaux
Pour ceux qui s'en souviennent, les services de trains de nuit étaient ciblés par de nombreux suppléments qui dépendaient de la catégorie de cabine que vous choisissiez, de votre âge ou de votre statut social. Comme le rapporte un voyageur américain, c'est un exercice incroyable pour le cerveau que d'acheter des billets de train à bas prix en Europe, trouver les bonnes correspondances et organiser son voyage. C'est nettement plus difficile que par avion. Fondamentalement, tout est destiné à rendre les voyages internationaux coûteux et difficiles en Europe. 

Et de fait. Le principe de base était une addition de tarifs nationaux : chaque catégorie de personnes disposait de ses tarifs qui variaient selon que vous soyez seul, en famille, en groupe, si vous êtes à seulement deux ou trois personnes ... Si vous voulez rester seul et ne prendre qu'un seul ou deux lits, vous deviez prendre un billet de première classe ! Mais même en première classe, vous ne payez pas le même prix selon que vous êtes un jeune, un «adulte» ou une personne âgée. La meilleure blague, c'est que si vous êtes catalogué «famille» dans un pays (avec des tarifs réduits), vous devenez "plus rien" dans le pays voisin parce que vous n'y êtes pas résident ! Heureusement, quelques idées de marketing ont été inventés, comme le billet Interrail, Eurodomino (aujourd'hui disparu). Mais même avec cela, un supplément pour couchette ou lit restait une obligation, ce qui rend le voyage si cher. En outre, la tarification forfaitaire peut être l'un des facteurs les plus importants pour favoriser l'accès aux chemins de fer, mais n'était pas applicable à certains produits tels que les Talgo ou les meilleurs services de train de nuit. CNL a changé cette pratique et propose aujourd'hui une tarification forfaitaire. Une réduction - et non un libre accès - est possible dans certains cas, comme avec le billet Interrail.

Conséquences
Matériel roulant souvent âgé (sauf CNL) accablés par des coûts fixes élevés nécessitant du personnel de bord, petit marché de niche, trains trop courts, des coûts plus élevés pour l'exploitation que pour un Inter City classique, rendement moins élevé à l'essieu (36 personnes pour une voiture-lits), faibles revenus, faible croissance, tout cela a rendu cette activité particulièrement vulnérable et accablée de nombreuses pertes. Comme le rapporte le Guardian, la compagnie ferroviaire allemande fait état du déclin du nombre de passagers, causé par l'expansion des compagnies aériennes low-cost, comme étant la principale raison de l'élimination progressive des services de trains de nuit.

Une vision romantique
Beaucoup de fans répondent encore à ces questions par une vision romantique du train. Les chemins de fer sont encore le moyen le plus durable pour l'environnement et le plus confortable pour se déplacer en Europe. On ne passe généralement pas une journée complète dans un train alors qu’on peut le faire pour une nuit. Pour les voyageurs « longue distance » à la recherche d'alternatives à faible émissions de carbone, le train de nuit reste le meilleur choix. Vraiment ? Alors pourquoi de plus en plus de gens choisissent les bus qui font davantage d’émissions de carbone, à trajet égal ? Parce que tous ces arguments socio-écologiques, aussi parfaits soient-ils, disparaissent dès que l’on parle des tarifs. Mais pas seulement. Une étudiante raconte dans le Babel Café : «  J'aime bien le train ; c'est un des moyens les plus simples de voyager, mais cela prend du temps. Je préfère passer plus de temps à destination et moins dans les transports. Les vols à bas prix sont mauvais pour l'environnement mais se rendre où on peut rapidement, rencontrer des amis, aller découvrir de nouveaux endroits, travailler dans un autre pays, toutes ces choses-là, elles, sont bonnes ».

Beaucoup de gens aimeraient que les chemins de fer soient la réponse pour un transport à faible émission de carbone, mais ils sont confrontés à des coûts énormes. En fait, c'est toute la question de l'écologie qui est posée : quel est le prix pour sauver la planète? Peut-être réduire les émissions de carbone en voyageant moins ? La question principale est de savoir aujourd'hui combien les gens seraient prêts à payer pour le coût social du train de nuit, et du chemin de fer en général. Une question qui est largement évitée à la lecture des nombreux commentaires ou blog sur les services de trains de nuit ...

Un Thello au départ de Rome, une liaison abandonnée tandis que Paris-Venise est conservée (photo Darkroom Daze via flickr CC BY-NC-SA 2.0)

Quelle renaissance ?
Les opérateurs ferroviaires doivent adopter une approche plus pragmatique et  doivent être plus agressifs au niveau marketing pour offrir des avantages distincts par rapport à l’avion ou aux bus. Et cela peut fonctionner. Au Royaume-Uni, le service Caledonian Sleeper qui relie Londres aux villes du nord de l'Ecosse, annonçait en 2014 un nouvel investissement de 100 millions de £ (60 % en provenance du gouvernement régional écossais), pour des nouveaux trains de meilleure qualité avec davantage de facilités hôtelières. Un autre bon exemple est Thello, la filiale du français Transdev et de l'italien Trenitalia. Cette société a remis sur les rails un service de nuit entre Venise, Milan et Paris. Le matériel roulant est classique (couchette voitures et wagons-lits classe MU), mais Thello a aussi introduit une tarification forfaitaire qui dépend de la classe et la date de réservation.

On se doit de mentionner aussi la plus longue ligne parcourue par un train en Europe : le Moscou-Nice hebdomadaire, introduit en 2010 par la société des chemins de fer russe RZD. Cette liaison improbable a grandement gagné ses lettres de noblesse et en 2014, 45.000 personnes ont fait le voyage sur plus de 3200 kilomètres que compte le trajet ! Les 52 heures montrent que rien n’est impossible. Marc Svetchine, directeur des grands projets ferroviaires russes en donne la raison dans le journal Métro: « Il est vrai qu'à l'heure actuelle, la ligne est utilisée par la grande majorité des Russes parce qu'ils ont une tradition de longs voyages en train, que les Français n’ont pas ».

Le 13118 Nice-Moscou non loin de Leoben, en Autriche, en juillet 2012 (par unci_narynin via Flickr CC BY-NC-SA 2.0 - cliquer sur l'image pour l'aggrandir)

Aller de Copenhague à Milan en train n'est pas un droit, mais une opportunité. Si le service public aujourd'hui ne peut plus répondre aux changements sociétaux (bus, covoiturage, la vie low-cost ...), c'est surtout par manque de volonté. Bien sûr, le marché n'a pas réponses à tout, mais la réponse ne proviendra pas non plus des politiciens parce qu'ils n'ont aucun talent en matière de gestion et de techniques ferroviaires. En outre, l'importance stratégique qu’avaient les chemins de fer autrefois dans de nombreux Etats, n'existe plus. Beaucoup d'hommes politiques ne croient plus trop dans les chemins de fer parce que leur réforme à la nouvelle réalité sociale est une tâche d'une lenteur exaspérante. Les compagnies ferroviaires traditionnelles doivent aussi s'engager dans la bataille contre les coûts d'exploitation. L'activité transport, seule, ne rapporte pas, elle coûte de l’argent. C’est pour cela qu’il est important pour les transporteurs d’offrir d’autres services annexes. 

C'est donc plutôt vers une clientèle de niche qu'il faut s'orienter, à la manière du VSOE. Les coûts élevés de tels services demandent assurément à ce qu'ils soient couverts par une tarification ad-hoc. C'est un peu ce que font les compagnies de croisières, qui ont abandonné les lignes transatlantiques au profit de boucles touristiques très lucratives. On peut alors imaginer des trains Paris-Rome ou Cologne-Budapest, pas tous les jours comme l'exige le service public, mais 2 ou 3 fois par semaine. En ciblant une clientèle touristique prête à payer pour ce type de train. Toute l'Europe pourrait ainsi être quadrillée par des trains touristiques plusieurs fois par semaine, et tous les jours durant certains moments de l'année, de juin à septembre. Les destinations devraient dépendre des saisons: l'Italie et les Alpes en hiver, la Scandinavie et l’Europe de l'Est pendant l'été, les villes d'or (Prague, Vienne, Nice, Barcelone, Venise, ...) au printemps et en automne. Pourquoi pas ? On peut aussi imaginer un «rétro train couchette » pas cher, reliant Amsterdam à Istanbul ou Athènes et bien d’autres destinations (Sicile, Roumanie, Norvège…) pour se rappeler le bon vieux temps des années 70. La SNCB détient toujours une « voiture-disco » moderne type SR3 et de nombreuses voitures-couchettes utilisées à peine quelques nuits par an (pèlerinages, sans la disco…). 

Il est nécessaire d'avoir un large soutien des agences de voyage auxquelles nous devons donner toutes les garanties sur la qualité et la maîtrise des coûts. Tous les pays mettent en œuvre des réformes structurelles et mettent en ordre leurs finances publiques. Cela signifie que, demain, nous ne ferons plus de chemin de fer comme hier. Nous avons donc besoin d'entrepreneurs qualifiés, et non d'agents de l'Etat, sans réelles compétences. Tout est prêt. En abandonnant les vieux principes, en renouvelant la commercialisation et le public, on ne peut dire qu'une seule chose: oui, c’est possible…



Eurostar fête ses vingt ans : bon anniversaire !
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11/11/2014

14 novembre 1994 : les premiers Eurostar s’élancent de Bruxelles, Londres et Paris. Direction, chacune des trois capitales, l’ensemble via le tunnel sous la Manche. Londres reliée en moins de trois heures, un rêve et une page d’histoire qui se tournait. Evocation.

Le TGV-Nord Europe
Une définition importante s’impose quand on parle d’Eurostar : il s’agit bien du train à grande vitesse n’ayant rien à voir avec Eurotunnel. Certes le train passe bien dans le célèbre tunnel bi-tube de 50 km, mais en tant que client et en versant de nos jours près de 289 millions d'euros de redevances chaque années. A l’origine, le TGV-Nord Europe ne concernait pas Londres. Ce n’est qu’en 1986, avec la signature définitive du tracé et du choix du tunnel sous la Manche, un choix ferroviaire, et non routier, que la partie britannique fût intégrée au projet : il était en effet possible de rallier l’Angleterre par train, et tant qu’on y était, de le faire par TGV.

TMST
Comme seule la France, et Alstom, disposait du savoir-faire en matière de train à grande vitesse, c’est très logiquement un TGV « à la française » qui fût proposé par un consortium emmené par ce qui s’appelait à l’époque GEC-Alsthom (avec « H »). La commande formelle fût signée à Bruxelles le 18 janvier 1989 pour 30 rames dites « TMST » (Trans Manche Super Train), complétée dans le courant de l'année d'une supplémentaire et de 7 autres à 14 remorques, pour les services North OLondon, un service qui devait contourner Londres pour rejoindre Birmingham et Manchester. La conception reprend l’architecture TGV, avec un bogie supportant deux caisses. Différence cependant : une longueur de 387,18m comportant 2 rames miroir de 9 remorques chacune – soit 18 remorques – et deux motrices, permettant la sécabilité imposée par les durs critères de sécurité de la traversée du tunnel sous la Manche. En clair : une demi-rame devait pouvoir faire demi-tour en ayant préalablement pris en charge les voyageurs évacués de l’autre demi-rame. Un cas de figure qui n’eut jamais lieu si ce n’est pour les tests. On trouvera ici les détails techniques de ces rames…

Dépôt de Bruxelles-Forest (photo Mediarail.be)
La société Eurostar tri-nationale
L’ensemble du service Eurostar est exploité par ma société du même nom. A l’origine, il s’agissait d’une sorte de joint-venture, comme toujours aux chemins de fer. On y trouvait donc la SNCF en France, la SNCB en Belgique et European Passenger Services (EPS) de British Railways, cette dernière étant revendue à  London and Continental Railways (L&CR) lors de la privatisation des BR en 1996. Les rames étaient entretenues dans trois dépôts, au Landy (Paris), à Forest (Bruxelles) et North Pole (Londres), dans la grande tradition du partage entre entreprises publiques nationales. En 1999, l’entreprise Eurostar Group Ltd de droit britannique est créée avec dorénavant pour siège social Londres, dans le but de placer la gestion commerciale dans les mains d'une direction unique. 

Le 1er September 2010, Eurostar devenait une entité unique au nom d’Eurostar International Limited (EIL), remplaçant la joint-venture SNCF, SNCB et EUKL. La désormais société est toujours détenue par la SNCF (55%), la LCR (40%) et la SNCB (5%). Les dépôts susmentionnés ont toujours la tâche de l’entretien mais celui de Londres est désormais basé à Stratford.

Le service Eurostar
En novembre 1994, Eurostar propose deux allers-retours par jour, suivi bien évidemment d’une montée en puissance rapide au fil des années. Les gares atteintes en régulier sont celles de Paris-Nord, Lille-Europe et Calais-Fréthun en France et Bruxelles-Midi en Belgique. En Grande-Bretagne, les gares atteintes se sont modifiées au fil de la construction de la ligne TGV dite « CTRL1 ». Avant 2003, Eurostar se faufilait sur la ligne classique Folkestone-Londres, munie du célèbre troisième rail latéral fournissant les 750V, comme pour un métro. De 2003 à  2007, Eurostar peut enfin bénéficier d’un petit morceau de LGV et une gare à Ashford. A partir de fin 2007, l’entièreté de la LGV fût construite mais mena au nord de la capitale, via des nouvelles gares régionales de Ebbsfleet et Stratford-International, pour aboutir finalement à la gare de St Pancras, voisine immédiate de celle de King-Cross et pas très loin non plus de celle d’Euston. Le trajet de Londres descend à 2h15 pour Paris et 1h53 pour Bruxelles. Le TGV-Nord Europe est alors intégralement terminé (si on excepte la HSL-Zuid hollandaise ouverte en 2009).



Dans l’intervalle, la compagnie poussait ses clients vers la neige (Bourg St Maurice), puis vers le soleil méditerranéen (Avignon) avec des Eurostar saisonniers, sans oublier les spéciaux destinés à Eurodisney Marne-la-Vallée. Le projet de TGV « Nord de Londres » avec ces rames à 14 caisses n’eut jamais lieu, les études de marché démontrant à l’avance le peu d’intérêt au-delà de la capitale britannique. C’est la SNCF qui fait rouler les rames excédentaires sur sa liaison intérieure Paris-Lille.

Le trafic
De deux, on passa rapidement à 6, 8, 10 aller-retours puis davantage. Le cap des 10 millions de passagers annuels ne fût cependant atteint qu’en 2012, et démentait ainsi les projections mirobolantes présentées au début des années 90. Il faut dire que deux guerres du Golfe et leurs crises successives sont passées par là. Toujours est-il que la part de marché atteint tout de même les 65 à 70% tant sur Londres-Paris que sur Bruxelles-Paris. En revanche, Bruxelles, carrefour de l’Europe, siège des institutions européennes et « hub TGV » proclamé, n’atteint que 2 millions de voyageurs Eurostar (près de 7 pour le seul Thalys).

Depuis toujours, la question de dépasser Bruxelles est sur la table avec la particularité britannique concernant la douane. Le pays n’est en effet pas en zone Schengen et oblige au contrôle douanier dans le sens Continent-Londres. Du coup, il faut des voies « isolées » du reste de la gare pour effectuer les opérations douanières et de sécurisation, notamment le scannage des bagages. Ce fût possible dans les gares décrites à ce lien. Le marché, autrefois pas mûr pour ces liaisons vers le nord, semblerait prêt...

Le futur
Dépasser Londres n’est toujours pas à l’ordre du jour, mais dépasser Bruxelles, oui. Eurostar compte rallier Londres à Amsterdam dès la fin de 2016. Et Cologne ? C’est un concurrent, la DBAG, qui devrait s’en charger si leur projet tient le cap. Et ceci avec l’aide d’un nouveau TGV, de Siemens cette fois, le Velaro e320 UK, emportant, à longueur quasi égale, 900 passagers au lieu des 750 dans le TMST class 373. Celui-ci est en cours de test depuis juillet 2013 en Belgique dans sa version Eurostar, la version DBAG étant aussi de passage plus furtivement. Le Velaro a déjà rallié la France et est même passé le tunnel pour d’autres tests, démontrant au passage l’exigence longtemps réclamée d’une accélération et d’une globalisation des tests de matériels roulant.

En attendant, les 40% détenus par les anglais ont été mis en vente et le futur acquéreur devrait être connu dans le courant du premier trimestre 2015. Bon anniversaire Eurostar….

A lire : notre dossier complet consacré à Eurostar