Affichage des articles dont le libellé est Bruxelles. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est Bruxelles. Afficher tous les articles

Amsterdam - Bruxelles : retour vers le futur

Amsterdam - Bruxelles : retour vers le futur
L'analyse de Mediarail.be - Technicien signalisation

Après le désastre Fyra, les chemins de fer belges et néerlandais ont présentés leurs projets pour les futurs services entre Amsterdam et Bruxelles. Non seulement de la part des entreprises nationales, mais aussi d'une entreprise privée. Quels sont les plans pour l'avenir? Une brève analyse.

Fyra out
La saga Fyra qui a marqué les trois trimestres de 2013 confirme l’éviction définitive du train V250 d’AnsaldoBreda. Il y aura sans aucun doute un feuilleton judiciaire qui durera plusieurs années. Le remplacement en urgence d’un service ferroviaire a accouché de la remise en route à la mi-février du train Benelux d’avant décembre 2012. Le service Fyra avait libéré des sillons horaires sur lignes classiques qui furent transférés à de nouveaux services régionaux, principalement entre Den Haag et Amsterdam. Le retour dare-dare du train Benelux arriva trop tard pour remodifier une nouvelle fois le plan de transport. C’est la raison pour laquelle le service Benelux fut limité à La Haye, étant donné l’absence de sillons au-delà. Le service fut de 8 puis 10 trains par jour, avec le même matériel roulant qu’auparavant (locomotive Traxx série 28 et voitures type ICRm). Le service Thalys, préféré par la SNCB, passa dès le 7 octobre de 9 à 11 aller-retours par jour, avec un 12e le vendredi (et finalement 13 à partir de décembre 2013). Ce contexte a permis une augmentation des passagers de l’ordre de 44,2% depuis le début 2013.

Le grand retour des trains Benelux, mais sans la rame olympique de 2012 (Malines, photo Mediarail.be)

La Haye se fâche
La Ville, qui a de nombreuses ambassades et qui est le siège du gouvernement, a été exclue de liaisons directes avec Bruxelles lors de la mise en place du Fyra en décembre dernier. Elle avait déjà été exclue de liaison ferroviaire à grande vitesse avec la HSL-Zuid qui joint directement Schiphol à Rotterdam sans passer par aucune gare de la Ville. Isolée, La Haye a réagi de manière inattendue avec la mise sur pied le 8 février 2013 d’une société d’exploitation nommée The Hague Trains Holding bv (THTH), propriété intégrale de la ville.

Cette possibilité est maintenant disponible en raison des règles européennes établissant des connexions internationales ouvertes à tous, via les directives de l'Open Access. Le risque financier est à charge intégrale de l’opérateur choisi. Le retour du train Benelux n’a cependant pas arrêté le projet : 12-13 trains par jour avec Bruxelles. Mais la ville ne voulait plus traiter avec les NS nationaux qui l’avait abandonné dans l’aventure Fyra. Une espèce de revanche…Le gagnant des offres fut révélé le 20 juin 2013 : ce fût Arriva, une filiale des chemins de fer allemands DBAG. Pendant ce temps, la SNCB et les NS se penchaient sur l'avenir du trafic entre les deux capitales.

Thalys va devenir une entreprise autonome
C’était inscrit dans les astres : Thalys va devenir une véritable ... entreprise française à partir de 2015, la participation de la SNCB passant de 28% à 40%. Cela signifie que ni les NS ni la DBAG ne font désormais plus partie de la société. La bataille qui s'annonce a accouché d'un plan de transport présenté par la SNCB et les NS le 27 septembre 2013 et dont le schéma est représenté ci-dessous :

Le schéma 2016 (source : NS)

On remarque que trois liaisons passent par la LGV L4 vers Anvers et Bruxelles, totalisant 32 trains par jour (incluant deux nouveaux Eurostar Amsterdam-Londres). Deux Thalys auront comme itinéraire Amsterdam-Lille, une ville où la société française n'est pas présente (c'est le "terrain de jeux" de la SNCF et d’Eurostar). Le schéma ne reprend pas le service d'Arriva par lignes classiques dont nous avons parlé plus haut. Il n'intègre pas la dernière nouvelle en date: une demande d'un plan de rechange pour l'exploitation TGV entre Amsterdam et Bruxelles via la HSL-Zuid. Cette proposition a été faite par ... Arriva, ce qui signifie que la DBAG mettrait la main sur une partie du juteux trafic hollando-belge. On remarque aussi que le schéma parle de trains « IC » et que la mention Fyra est définitivement enterrée.

Matériel roulant
Les 14 Thalys prévus à terme seront probablement toujours des rames Alstom et il n’est pas encore prévu à ce jour de commande de nouveaux matériels. On connait en revanche le nouveau train d'Eurostar puisque le Velaro e320 UK était en phase de test durant cet été et l'automne en Belgique. Son cousin le Velaro D class 407 est également venu le rejoindre début septembre pour une même série de test, mais cela n'a rien à voir avec le trafic néerlandais car il est destiné aux liaisons Francfort-Londres via Bruxelles. Mais les allemands restent présent sur les voies hollandaises avec leur filiale Arriva. La liaison La Haye-Bruxelles via l'aéroport de Zaventem sur lignes classiques pourrait être exploitée avec des rames Stadler type "Flirt 3" en configuration "de luxe" pour distances plus longues. Mais ce n'est qu'une option. Cela dépendra de l'acceptation - ou non - de pouvoir rouler avec du matériel conventionnel sur la HSL-Zuid, comme actuellement avec les Fyra du service intérieur entre Amsterdam et Breda.

Les rames Stadler Flirt sont plutôt régionales, mais une version "longues distances" existe (ph Effimera59)
En définitive la liaison Amsterdam-Bruxelles est promise à une solide bataille entre 3 ou 4 compagnies, ce qui pourrait avoir un impact sur les prix. L'autre nouveauté consistera à faire transiter les Eurostar à Bruxelles-Midi, car actuellement ils sont reçus sur deux voies en cul-de-sac. Il faudra ainsi aménager un quai sous douane. Wait and see…


Mobilité : quelle croissance ferroviaire pour Bruxelles ?

L'analyse de Mediarail.be - Technicien signalisation
D'autres infos en français et en anglais sur la page facebook de Mediarail.be

La traditionnelle semaine de la mobilité se déroule annuellement fin septembre et se clôture, à Bruxelles, par le non moins traditionnel "Dimanche sans voitures" qui fait et fera toujours l'objet d'âpres débats. A chaque fois, la machine médiatique se met en route et distille ses bons conseils. Pour une fois l'édition 2013 nous était gratifiée d'une note de synthèse de l'excellent site Brussels Studies (1). Un échange de vue avec les auteurs nous a permis un éclairage plus particulier sur la problématique du train dans la capitale européenne.

La diffusion du réseau ferroviaire
On peut reprendre la carte déjà diffusée lors d'un autre billet consacré au RER (2). Elle nous montre un axe Nord-Sud - la fameuse Jonction Nord-Midi - divisant la toile ferroviaire en un réseau plus conséquent à l'Est qu'à l'Ouest, poids de l'histoire du rail. Sans vouloir rabâcher tout l'historique ferroviaire de la capitale, on notera quelques dates essentielles au réseau tel que nous l'exploitons de nos jours :

 - Contrairement aux idées reçues, la première jonction souterraine est bien la ligne L161 Schaerbeek-Namur déviée et enterrée vers 1880 à la demande de la ville. Les passages à niveau des rues Belliard et Loi disparaîtront en 1954-55 suite à l'électrification de la ligne. La gare Schuman est une création de 1969 suite à l'arrivée du siège de ce qui était encore la CEE et la gare du Quartier Léopold prend le nom de "Bruxelles-Luxembourg" en mai 2000.
 - La célèbre jonction Nord-Midi est dotée de trois gares (Congrès, Centrale, Chapelle) et est inaugurée en 1952; elle relie les deux gares majeures de la capitale que sont les gares du Nord et du Midi.
 - Deux autres pôles ferroviaires complètent l'ensemble : Schaerbeek tout au Nord et Etterbeek tout à l'Est (non figuré).

Cet ensemble est à l'origine d'une série de lignes ferroviaires irriguant la majeure partie du pays en ligne directe, Bruxelles étant ainsi un pôle très centralisé du réseau SNCB, géré aujourd'hui par Infrabel. Les travaux évoqués dans le billet consacré au RER sont dessinés en gros trait rouge, le bleu représentant des travaux déjà exécutés et terminés. La dernière jonction en cours de finition est le tunnel Josaphat, qui passera au pied du Berlaymont et fournira 2 voies supplémentaires à une gare Schuman qui en a bien besoin.



La diffusion du tertiaire
L'émancipation de la ville à l'Est plutôt qu'à l'Ouest date de l'époque Léopold, surtout le II, donc de très tôt : boulevards rectilignes, quartiers aristocratiques jusqu'au Cinquantenaire puis au-delà, l'avenue de Tervuren et consorts ont façonné la ville pour de bon. L'entrée de Bruxelles dans la civilisation de l'auto est sans conteste à dater de l'Expo 58 : démolition en masse de quartiers pauvres et instauration du boulevard de la Petite Ceinture, avec ses dessertes et ses tunnels, pour se rapprocher des standards à l'américaine. On pense alors à la ville du futur façon Charles De Pauw et son rêve délirant d'un croisement autoroutier au centre d'un parc de...70 tours à côté de la gare du Nord, le fameux Manhattan à la sauce belge ! Il fut une époque où tout le monde y croyait, au point qu'on trouvait normal de virer le tram de la surface ! Les années 60-70 tournent à la "bruxellisation" systématique et marquent déjà le recul des quartiers populaires, mettant en musique le Bruxelles d'aujourd'hui.

La conséquence immédiate fut l'implantation des bureaux et la mobilité des "cols blancs". Bruxelles est une capitale, ce qui induit des contraintes incontournables, notamment par la farouche obsession des sociétés d'être au sein de la ville plutôt qu'en province. Les rues Belliard, Loi, Trône ou avenue Louise en sont les exemples les plus emblématiques. Toutes sont situées...à l'Est de la ville. Les quartiers tertiaires principaux sont aujourd'hui plantés dans le Pentagone même (gare Centrale), dans le Manhattan (Gare du Nord), l'ensemble Loi-Belliard-Schuman-Luxembourg (gares Schuman et Luxembourg). La gare du Midi a attendu longtemps sa "tertiarisation" qui prend corps doucement depuis l'arrivée du TGV en 1994-95. Cet ensemble totalise selon les comptages quasiment les deux tiers de la surface tertiaire bruxelloise directement accessible par train, ne nécessitant pas, ou peu, l'emprunt des transports publics. 


 Le tertiaire au Botanique, à deux pas de la gare du Nord (photo Flickr CC freshwater2006)
Au-delà de ça, nous trouvons une deuxième couronne de pôle tertiaire joignant l’autoroute E40 - au nord est - à la fin de la E411 - au sud est -, et joignant le Val d’Or, Beaulieu, Herrmann-Debroux. Si ces derniers quartiers sont accessibles par métro, il n'en est pas de même de l'axe Auderghem-Woluwe, totalement hors train. L'avenue Louise et le quartier de la Cambre ne sont guère mieux lotis, l'exception étant le quartier de la gare d'Etterbeek jouxtant le campus de la VUB, mais pas celui de l'ULB...On constate curieusement qu'aucun entrepreneur n'est allé chercher l'or de l'immobilier tout à l'Ouest, hormis quelques maigres exemples d'Anderlecht totalement hors trains mais proches du Ring. Cette dichotomie Est-Ouest apporte ses conséquences actuelles d'une ville duale et déséquilibrée. Et les conséquences sur la mobilité n'en sont pas moindre. Mais elles ne sont pas les seules...

L'impact sociologique
Les Trente Glorieuses de l'époque Vanden Boeynants n'envisageaient pas une seconde que des remises en cause foisonneraient dès les années 90. Avec le concept de développement durable, la question de la mobilité est devenue aujourd'hui bien plus cruciale qu'elle ne l'était il y a quarante ans. Surtout, la composition sociologique à la fois des navetteurs et de la population urbaine a induit des comportements modaux aux conséquences lourdes. Les emplois universitaires en Belgique sont toujours gratifiés du trinôme "voiture de société/Smartphone/PC portable", favorisant une classe moyenne très connectée, vivant en périphérie et ayant les moyens de se payer la quatre façades avec jardin. Faire converger cette population chaque matin vers la capitale entraîne le déplacement de 400 à 500.000 personnes, dont seulement un tiers en train. Mais la ville compte par ailleurs une population bien plus précarisée et colorée, accentuant encore davantage la dualité sociale..et fiscale. Il en résulte une autre dichotomie, politique cette fois : quel Bruxelles voulons-nous ? 

La ville pour qui ?
Cette structure spatiale des zones tertiaires a un impact immédiat sur les pratiques modales. Pour voir se concrétiser un transfert modal, il faut pratiquement déposer les navetteurs au pied de leur bureau, avec au grand maximum une seule correspondance. Or cela implique un environnement de gares dédié au tertiaire, ce que combattent précisément un tas d'associations environnementales, qui visent "une ville rendue aux habitants plutôt qu'aux navetteurs de la semaine". Cette option entretien une certaine négation de la ville "capitale" du pays - et de l'Europe - et promeut l'usage prioritaire des modes de déplacement doux et de la ville lente. Face à cette politique, le camp adverse tente au contraire de favoriser "le citoyen international", connecté et polyglotte mais surtout, au salaire bien garni. Deux oppositions...


Un gros tiers des navetteurs sur Bruxelles prennent le train (photo cc Flickr  La Citta Vita)
Très chère Jonction
La SNCB à elle seule peut se targuer - on l'a vu - de pouvoir déposer sa clientèle à quelques pas des deux tiers des bureaux bruxellois. La conséquence s'en fait sentir sur l'élément central du réseau : la Jonction Nord-Midi proche de l'asphyxie. Avec ses 86 trains à l'heure, ses six voies n'ont plus de réelles capacités de réserve en termes de trains. En termes de places, on peut encore gagner en systématisant - hors RER - la mise en circulation en pointe des rames double-étage, M5 ou M6. Les 320 à 360m des quais de la gare Centrale permettent d'aligner des rames de 12 voitures + locomotive, mais guère plus. L'expérience des hausses annuelles de 3 à 5% de la clientèle montre qu'un train "devenu" double-étage sera à nouveau plein après quelques années seulement. 

Certains se sont interrogés sur l'intérêt d'y faire transiter tous les trains du royaume pour des liaisons aussi longues qu'Ostende-Liège, Charleroi-Anvers ou Namur-Gand. Il est vrai que les ventes de billets couvrant la totalité de ces parcours sont minoritaires, la majorité étant destinée à la capitale. Mais là n'est pas la question. Y faire passer tous les trains permet de dé-saturer. Explication : on peut couper un Ostende-Eupen en deux trains. Mais comme tous les deux doivent au minimum desservir les trois gares bruxelloises, il y aura deux sillons occupés en JNM : l'un pour le train d'Ostende, l'autre pour celui d'Eupen. Pour éviter ce gaspillage de ressource, la SNCB fusionne deux trains en un, et on n'occupe qu'un seul sillon. Tout le trafic IC/IR SNCB est basé sur ce principe, chaque demi-heure, toute la journée.  

86 trains à l'heure sur la Jonction, proche de la saturation (photo Mediarail.be)
Des options, et des objections
Au-delà du RER que nous avons déjà développé (2), une série d'options demeurent encore dans les cartons. La plus visionnaire, et fatalement la plus coûteuse, est la construction d'une deuxième jonction sous l'actuelle. Six tubes sous la Gare du Midi, dont quatre vers Nord et Schaerbeek et deux pour relier directement la gare Centrale à Schuman, puis Etterbeek, raccourcissant fameusement le trajet Namur-Bruxelles-Midi. Le tout pour 5 milliards € ce qui fit hurler - comme attendu- toute la classe politique en ces temps de disette mondiale. 

Des experts suisses se sont penchés sur le trafic de la Jonction (JNM) et ont proposé la solution du cul-de-sac pour certains trains, principalement en pointe. Or un train devant faire demi-tour occupe doublement une voie : au lieu de rester à quai 3 minutes, on passe à 6 ou 7. Les rames à refouler doivent impérativement être dotées d’une cabine conduite des 2 côtés. Dès l’arrivée d’un train, un second conducteur placé à l’autre bout grimpe à bord  et prépare déjà le demi-tour, ce qui équivaut à utiliser 2 agents pour un seul train. La réglementation exige que l’accompagnateur fasse tout le train (10-12 voitures !) pour s’assurer qu’il n’y ait plus personne à bord, ce qui prend du temps. Enfin, les trains refoulés doivent « ressortir » vers le dépôt, et encombrent le grill d’entrée en croisant les autres trains « entrants ». A titre d’exemple : les IC Quiévrain-Liège Guillemins font un demi-tour en 13 minutes dans la grande gare mosane. Mais ces 13 minutes semblent un minimum en dessous duquel on ne peut descendre et cela fait l’objet d’une accumulation de retard au moindre souci durant les trajets précédents. Ces temps de demi-tour additionnés aux 4 minutes d’intervalle montrent une occupation des voies de 3 trains par heure maximum difficilement comprimable.

En résumé : chaque voie à quai sera utilisée 3-4 fois par heure au lieu de 5 ou 6. La SNCB s’accommode actuellement des demi-tours du TGV : mais avec seulement 9 Eurostar par jour et certains TGV placés par paire à quai. Il est possible de mettre 2 trains « nez à nez » comme aux Pays-Bas. Contrainte : 200m maximum (trains courts de 6 voitures + loco + 20m de sécurité du signal de sortie) et la plupart des quais du Midi ne peuvent pas offrir les 400m requis. Pour terminer, il n'y a à la gare du Nord que 12 voies contre 22 à Bruxelles-Midi, dont 3 en cul-de-sac.

On peut supposer que cette solution du cul-de-sac ne s'appliquerait qu'aux seuls trains de pointe. Les gares du Nord et du Midi deviendraient une sorte de "Park and Ride" ferroviaire du matin et du soir. Or des villes comme Vienne ou Madrid sont précisément occupées à éliminer cet handicap...en construisant une jonction souterraine qu'elles n'ont jamais eu. Stuttgart y a pensé aussi mais la politique locale l'y en empêche. Et puis surtout, la non-desserte de Bruxelles-Central équivaudrait par ailleurs à éliminer l'atout du train qui "vous transporte au cœur de la ville". 

Etterbeek, 2005 (photo Mediarail.be)
Mieux utiliser le réseau
Une solution consisterait à mieux utiliser l’axe Etterbeek-Schuman-tunnel Josaphat-(Diegem-aéroport) ou Etterbeek-Schuman-Schaerbeek, voire Etterbeek-Schuman-Bockstael-Jette. Dans les trois cas : le tram en site propre à Etterbeek et le métro à Schuman, et la proximité du tertiaire ce qui pourrait intéresser beaucoup de monde. Ces axes sont accessibles depuis toutes les villes du pays si on observe attentivement la carte ferroviaire des 2 Brabants. Hélas, la reconstruction du nœud de Linkebeek (L124/L26) fait l’objet actuellement d’un blocage de permis, comme chacun sait. Par ailleurs, l’accumulation de trains entrants dans la zone d’Etterbeek (provenant de Charleroi, Mons, Tournai, Namur, Ottignies…) additionnés à ceux du RER futur n’est pas à prendre à la légère, la gare Schuman ne disposera que de 4 voies à terme.

Conclusion
La mobilité bruxelloise est complexe et ses paramètres ne peuvent se résumer à des slogans genre "tous à vélo". La réduction de l'usage de l'auto se fera partiellement par la réduction des stationnements et l'augmentation des rues piétonnes, mais attention de ne pas aller trop loin. Certaines entreprises pourraient en effet déménager ailleurs, faisant s'envoler davantage de recettes fiscales alors que Bruxelles peinent tant à retenir la classe moyenne. Et puis le soir, mieux vaut être en voiture lorsqu'on se fait la dernière séance cinéma. L'implantation des bureaux proches du train, par le biais de PRD ou autres outils, reste la pierre angulaire de toute politique modale. On se rappellera qu'au-delà de 2 correspondances, le transport public perd tout son intérêt aux yeux de la clientèle captive. Surtout si on voit passer deux trams coup sur coup, et puis plus rien pendant vingt minutes, quand il faut patienter sous le froid et la petite pluie fine chère à notre météo nationale...

Vidéos à voir absolument : la destruction de Bruxelles et la mobilité (RTB du 1er mars 1967)
                                         la SNCB en 1974 (RTB 24/09/1974)

(1) La mobilité quotidienne à Bruxelles : défis, outils et chantiers prioritaires
(2) Le RER bruxellois : des origines à aujourd'hui


Anno "Uno" pour NTV-Italo
L’analyse de Mediarail.be - Technicien signalisation 
Sur le site de news ilsitodifirenze.it, le journaliste Domenico Rosa terminait dimanche dernier son article en faisant part de son étonnement : « dans une Italie plongée dans le marécage, il y a encore un train qui roule vers l’avenir ». De quoi parle-t-il ? Du train NTV-Italo qui célèbre sa première année d’existence. Italo ? C’est cette compagnie qui se frotte à Trenitalia depuis avril 2012 en offrant un service TGV – ou plutôt AGV – entre Milan/Turin/Venise et les villes du sud, vers Florence, Rome, Naples et Salerno. Rétroacte.

Bataille du rail autour de l’Open Access
Dans une audition à l’Assemblée Nationale française le 19 mars 2013,  le patron du rail français  Guillaume Pépy indiquait malicieusement qu’un quart du chiffre d’affaire de la SNCF était réalisé à l’exportation. Quel lien avec l’Italo ? C’est que la grande maison française a su profiter d'une loi italienne de 2003, mettant fin au monopole des anciens FS, aujourd'hui Trenitalia. La SNCF détient 20% du capital du nouveau privé italien, ce qui la met en concurrence frontale avec Trenitalia, l’autre acteur historique et public de la grande vitesse de la Péninsule.  Une concurrence en Open Access telle que l’aime l’Europe et contre laquelle la SNCF bataille ferme…sur son territoire. L’arrivée de NTV fin avril 2012 ne fût pas un long fleuve tranquille : le gestionnaire du réseau RFI, très intégré avec l’opérateur public historique, a multiplié les entraves à l’installation du nouveau concurrent, modifiant les conditions d’accès au réseau au dernier moment, lui interdisant les grandes gares principales comme Milano-Centrale ou Roma-Termini et chipotant comme pas permis sur les fameuses casa Italo, les espaces salon et ventes de NTV-Italo qui occupent les grandes gares desservies (1).
L'un des 25 AGV d'Alstom formant l'Italo 9938 Napoli C.le - Milano P.G. du côté de Cadeo (ph Andrea Frigerio)

Tout cela confirme les tentatives d’obstruction que condamne  l’Europe – malgré les démentis des intéressés - lors d’une trop forte collusion entre un opérateur historique et l’infrastructure (2). La revanche italienne à cette intrusion française a pris le nom de Thello, un autre privé italien détenu  par...Trenitalia himself, et qui a obtenu au mois de février 2013 un premier certificat auprès du belge Infrabel pour exploiter dans le futur une liaison TGV entre Bruxelles et Paris, face à Thalys.  Dans cette quart de finale 2013 sur l’Open Access, le classement est : un peu de sauce SNCF en Italie, un peu de bolognaise Trenitalia en France, et l’attente de la moutarde que préparent les allemands (3).

NTV-Italo
Née en 2006, la société a pu s’entourer de la crème des entrepreneurs italiens avec un président temporaire patron de Ferrari, un autre du maroquinier Tod's et un troisième, actuel CEO, qui a fait ses marques chez Rail Traction Company. Le trio savait donc ce qu’il faisait et dispose surtout d’une oreille attentive au travers des médias et de la classe politique. C’était nécessaire pour contrer le très médiatique patron de Trenitalia, Mauro Moretti.  Côté technique, un coup de maître : en allant acheter 25 AGV, Alstom obtenait un premier client non-SNCF, ce que les médias hexagonaux ne manquèrent pas de faire remarquer. A 23 millions € pièce, ces bolides du rail retrouvent le design cher à leurs patrons : du rouge Ferrari sur les flancs et du cuir Tod's garnissant certains sièges. Surtout, à l’inverse du Fyra d’Ansaldo-Breda, l’AGV d’Alstom fut mis à l’épreuve des tests durant plusieurs années, notamment en France, évitant de fastidieuses mises au point de dernière minute.  C’est donc le 28 avril 2012 que s’élancèrent les Italo, devenant les premiers TGV privés du monde ! La guerre avec les Frecciarossa du service public pouvait dès lors commencer...
En gare de Bologne cet Italo Milan-Naples côtoie un Frecciarossa, visible tout à droite (photo zacke82)
Une pression salutaire
Que na-t-on pas entendu au sujet de la concurrence ferroviaire ! Et pourtant, les baisses de prix ne tarderont pas. Déjà par anticipation, Trenitalia avait descendu ses tarifs de 30% avec des tarifs moyens Milan-Rome s'écroulant de 91 à 63€ et des prix planchers non remboursables atteignant même 39€. Italo peut faire encore moins cher et les sites spécialisés en consommation ont détectés des tarifs - quelque soit la classe et le moment de réservation - inférieurs de 8 en faveur de NTV-Italo. Le mouvement est ainsi lancé dans une Péninsule morose et en crise, où la baisse de la consommation s'est en revanche traduite par une hausse de 12% des dépenses en train à grande vitesse. La raison pourrait entre autre être du côté du basculement des parts de marché, Trenitalia + Italo. Jusqu'il y a peu, l'avion détenait 65% sur l'axe Milan-Rome, désormais, le chiffre s'est inversé au profit du train. La guerre des tarifs s'accompagne d'ailleurs de celle des temps de parcours, avec par exemple un Rome-Tiburtina - Milan-P. Garibaldi en 3h03 le matin (Italo 9972). La concurrence apporte donc bel et bien ses effets mais il faudra juger cela dans la durée. 
Extrait du site altroconsumo sur les différences de prix


Un public cible et du trafic
NTV-Italo peut se permettre d'être la compagnie de la génération Y. C'est en tout cas ce qu'elle veut donner comme image au travers de sa politique commerciale, très orientée sur une distribution par internet et un système d'information branché. En faisant l'impasse sur un réseau de gare, NTV-Italo espère atteindre un taux de ticketing par internet atteignant les 80%. 

En janvier 2013, la jeune société faisait état de 2 millions de passagers transportés à bord de 6.485 trains ayant un taux de ponctualité de 94,4%. Le taux de charge quant à lui oscillait autour des 48%, ce qui n'est pas encore idéal. Avec ses 1.100 employés directs et une cinquantaine d'AGV quotidiens, elle se targue d'une part de marché de 20,1% pour un trafic qui atteindrait les 12 millions de kilomètres annuels reliant 9 villes et 12 gares.
Le 9986 Roma Ostiense - Venezia Santa Lucia, de passage à Pontelagoscuro (FE) (ph Riccardo Fogagnolo)

La guerre des plages
L'extension du réseau n'est en tout cas pas terminée. Après le réseau traditionnel en "T" (Turin-Venise/Milan-Naples), viennent les plages populaires de l'Adriatique. Sur cette ligne, Trenitalia propose déjà 9 relations quotidiennes par trains Frecciabianca auxquelles s'ajoutent - depuis le 13 avril - 2 nouveaux aller-retour par Frecciarossa, les ETR500 . Cela en vue de contrer les trois A/R envisagés depuis décembre par NTV-Italo, dont le service devrait débuter le 9 juin prochain. Mais le gestionnaire de réseau RFI a de nouveau fait l'objet de critique de la part du CEO Guiseppe Sciarrone concernant une mise à jour des quais de Rimini et l'installation d'une casa Italo dans le bâtiment gare.
Trenitalia a baissé ses prix et totalement reconfiguré son site web (publicité d'avril 2013)

Les conditions du futur
Les dirigeants de la compagnie se sont donné comme objectif d'avoir transporté 8 à 9 millions de clients pour le deuxième anniversaire, en 2014. Le modèle économique, proche du système low-cost de l'aérien, n'est pas à l'abri de la récession touchant actuellement le pays, bien que le positionnement produit soit plutôt celui du "haut de gamme", permettant de capter une clientèle "prête à payer" pour un bon service.

Marco Ponti, professeur d'économie des Transports à l'université de Milan, a cependant définit trois dangers qui  peuvent entamer le succès de la jeune compagnie : une rehausse de la concurrence aérienne via Easy Jet sur Milan-Rome, la petitesse de la compagnie face au mastodonte Trenitalia et le risque d'une entente sur les prix pour surmonter la crise, faussant la concurrence. Et de conclure que c'est l'évolution de la crise et l'appétit des italiens pour le train Italo qui feront le succès du nouveau venu. Souhaitons lui quoiqu'il en soit un joyeux anniversaire...


(3) Thello exploite depuis décembre 2011 deux trains de nuit entre Paris, Rome et Venise. Sur la liaison Bruxelles-Paris, on ignore encore quel sera le service et avec quel matériel. Les nouveaux ETR 1000 « Zefiro » de Bombardier ?Ceux-ci sont en partie construits par Ansaldo-Breda, tristement célèbre pour son magistral raté avec les rames Fyra !





La SNCF demain, l'Europe à minima

L’analyse de Mediarail.be - Technicien signalisation (mise à jour 1er juillet 2013)
D'autres infos, en français et en anglais, sur la page facebook de Mediarail.be 
Sans surprise. C’est ce que l’on peut titrer de la remise - ce lundi 22 avril 2013 par Jean-Louis Bianco - d’un rapport sur le réaménagement de la gouvernance du rail français. Il ne fait que confirmer ce qui était déjà inscrit dans les astres depuis les Assises ferroviaires de l’automne 2011 : un retour à la société intégrée chargée de rassurer avant tout les cheminots. A décharge, ce rapport s’inscrit aussi dans le cadre de la réparation d’une très mauvaise idée qui fut, non pas d’envisager un gestionnaire d’infrastructure en tant que tel, mais d’obliger ce dernier à déléguer tous ses travaux de voies à la seule SNCF. Il colle au millimètre près à la nouvelle majorité présidentielle choisie par les français en mai 2012, et qui entend mettre au pas une Europe très mal jugée au sein de l'Hexagone. Rien de très neuf sur ce plan.

Quel objectif ?
Comme déjà énoncé lors de deux billets précédents (1), la France ne peut se défaire de l’idée de grandeur de son appareil d’état, c’est dans ses gènes, et nous dirons qu'elle n'est pas la seule à ressentir "la fibre nationale". Il n’était donc pas pensable de dépecer la SNCF pour n’en faire qu’un simple transporteur. Reste que Bruxelles a les capacités juridiques de sermonner les Etats membres  qui ne transposent pas – ou mal – les directives européennes dûment votées par le Parlement Européen. C’est donc par le biais de vastes contorsions sémantiques que l’on arrive à la fois à revenir à l’ancien système tout en sauvegardant la face en ne reniant pas les principes de base énoncés par la Commission. Tout un programme, et c’est le sens du rapport présenté ces jours-ci.

A l'avenir, les collectivités locales devront faire des offres européennes. En se passant de la SNCF ? (ph Bindonlane)


Le rappel d’un tel remue-ménage
La gouvernance ferroviaire est décidément le sujet de 2012-2013 et on peut s’étonner qu’il s’agisse là d’une priorité alors que la mobilité et le développement durable occupent tout l’espace médiatique. La célèbre directive 91/440 - munies d’un arsenal d’obligations complémentaires - aurait dû suffire à elle seule à revitaliser un chemin de fer en chute libre dans les parts de marché du transport terrestre européen. En participant à des petites structures en filiales, mieux adaptées au particularisme du fret et à la segmentation des marchés, en construisant des sillons libres sans remettre en cause ceux utilisés par le service public, le chemin de fer intégré et unitaire aurait pu recouvrer une meilleure santé et un dynamisme nouveau, ce que fît la Suisse.

Las, pour tous les Etats membres, cette configuration menait tout droit à l’affrontement idéologique, car ce n’est rien d’autre que cela. Par conception en effet, le chemin de fer reste un sujet sensible aux troubles idéologiques et très facilement paralysable. Il est prisonnier d’un imaginaire collectif qui veut qu’il soit le transport des petites gens, procurant des emplois peu qualifiés pour les petites gens. Raison pour laquelle il reste sous surveillance étatique rapprochée, à l’inverse d’autres industries de réseau telles les télécommunications ou l'énergie qui se sont habitués à une ambiance plus ouverte, plus internationale (2). Le rail a de plus le désavantage d’engendrer des coûts d’exploitation que n’égalisent pas ses recettes, tandis que les autres transports à énergie fossile rapportent des taxes. Un cruel constat qui n'a pas échappé aux parlementaires qui gèrent les deniers publics. En dehors d’une volonté de remettre le chemin de fer à une meilleure place dans le monde des transports, les arguments de défense du rail tournent inlassablement autour de la défense de l’emploi statutaire, sensé garantir une qualité de service bien meilleure qu’un travailleur contractuel. La justification d'une telle discrimination est encouragée par les syndicats, faisant juste valoir qu'un travailleur contractuel engendrerait des problèmes de sécurité. Toujours est-il que ce discours d'immobilisme affirmant que les recettes d’hier feront les meilleurs plats de demain, nous indique un basculement assez inédit du conservatisme, que l’on croyait à droite…

L'Europe et ses directives n'enchantent pas les souverainistes ferroviaires (ph Sébastien Bertrand)


Une revitalisation culturelle
En voulant mettre de l’ordre dans les chemins de fer, l’Europe voulait faire coup double : détacher un tant soi peu ces mastodontes de la sphère étatique pour en faire un marché (3) et l’englober dans une politique des transports en vue d’un hypothétique transfert modal (4). Croyant que cela irait de soi, la Commission dû faire face à de nombreuses réticences et dû mettre en place un des plus gros arsenaux législatifs qu’ait eu à connaître le monde des transports terrestres (5). Une timide revitalisation fut dès lors constatée mais elle demeure de nos jours très inégale d’un Etat-membre à l’autre (6). Outre diverses interprétations juridiques des directives de la Commission, il faut y ajouter surtout la mosaïque culturelle – et donc politique – que représente notre beau continent (7).

La France en trois EPIC
On se rappellera que sur base d’une décision de la Cour de Justice, la Commission fût rappelée à l’ordre et ne pouvait pas tel quel s’opposer à une structure en holding en dépit du risque avéré de collusion entre l’infra et le transporteur national. Un temps embarquée dans ce combat idéologique anti-Bruxelles, la France s’est discrètement éloignée de l’enthousiasme pour le concept allemand en constatant que les fondations du rail outre-Rhin restaient imbuvables aux yeux des syndicats hexagonaux. La solution pour dompter la rue ? Une structure étatique constituée de deux entités chapeautées par une troisième regroupant les ressources humaines, afin de garantir le statut. Surprise : il s’agit de la même structure mise en place en 2005 en Belgique et qu’il a fallu modifier après le constat navrant que ce furent les deux filiales qui contrôlaient la maison-mère. En France, personne ne fait mystère que ces contorsions sémantiques visent à rassurer Bruxelles tout en restaurant le retour SNCF. Un appel pluri-disciplinaire fût, à ce titre, adressé en juin 2013 au Président de la République, craignant le retour d'une SNCF surpuissante et monopolistique (7). Reste l’épineuse question de la dette.

Retour à la case départ (ph Zigazou76)


La grande question de l'argent
Important, la finance ? Et comment, c’est même un point crucial. L’ombre de la dette a survolé tout le débat, non sans raison. Collée à RFF à hauteur de 33 milliards € (prévu fin 2013), le gestionnaire doit continuer de lever chaque année une somme de 5 milliards € l’amenant à solliciter régulièrement les investisseurs. En clair, la dette est  - comme toutes les autres - surveillée par les marchés financiers. Il ne fait guère de doute que ceux-ci surveillent de très près l’évolution de la gouvernance et l’ambiance actuelle crée une incertitude sur les taux d’intérêts, très malsaine pour les finances publiques. Côté politique, la question des milliards en contributions publiques, par rapport aux bénéfices sociaux escomptés, pose des interrogations dans les milieux parlementaires. Or ce sont ces derniers qui votent les budgets, tant en régional qu’en national. Qu’auront-ils comme arguments en faveurs du rail si ce n’est la pression syndicale ? La Suisse a montré qu’un service ferroviaire dont le réseau reste ouvert à une forme contenue de concurrence fret ne remettait pas en cause le transport public, bien du contraire. L’Europe d’ailleurs n’entend pas réduire ledit service public mais voudrait le voir exploiter à coûts moindres, sans sombrer dans le dumping social. En Allemagne, c'est une agence gouvernementale qui prend en charge les 17% de surcoût du statut des agents d'Etat ! Il existe donc plusieurs solutions pour tenter de remettre le train sur les rails, mais ce sont les têtes qui doivent bouger. Et pour le moment, c’est le conservatisme qui fait figure d’avenir.

Une Europe ferroviaire allemande ?
En définitive, il est acquit qu'en l'absence d'Europe fédérale dont personne ne veut (8), la gouvernance du rail va devoir s'accorder avec chacune des architectures institutionnelles nationales. La réforme française s'accorde donc bien sur celle de l'Hexagone. Si on veut réellement de l'Europe, il faut dès lors une cohabitation de systèmes organisés autour d'idéologies différentes avec une mise en réseaux interconnectés, à condition bien-sûr que les flux soient libres de circulation, donc avec frontières ouvertes mais régulées. Bien entendu, le document de Jean-Louis Bianco n'est qu'un rapport et rien n’est coulé dans le béton au niveau législatif. Après les élections européennes de 2014, d’autres soubresauts seront à prévoir parmi lesquels une Allemagne qui veillera au grain : elle ne fait plus mystère de sa politique de conquête et entend percer toutes les murailles existantes, françaises incluses. L'Allemagne serait-elle l'Europe ferroviaire de demain ? La bataille continue...

(1) A relire : RFF – SNCF, qui décide du rail en France ? et SNCF-RFF : marche arrière gauche, toute ! 

(2) A relire : Le chemin de fer, cette "chose" nationale

(3) A relire : l’exemple britannique, marché le plus ouvert de la planète

(4) A relire : le train en mode survie (2013)

(5) Le résumé de cette législation se trouve à ces pages

(6) A relire : Open accès 2012


(7) A lire : l'appel des professionnels sur www.mobilicites.com

(8) Un article de circonstance, hors du rail : Que les pro-européens lèvent le doigt !

 


Effet TGV, impact mitigé : retour au réalisme ?

L'analyse de Mediarail.be - Technicien signalisation 
La France du TGV célèbrait fin janvier 2013 ses deux milliards de voyageurs transportés, une bien belle performance depuis son lancement en septembre 1981. Gageons qu'un succès en toute proportion est également de mise en Allemagne, en Italie et en Espagne. Depuis la mise "en TGV" de Bruxelles-Paris, le trafic a été multiplié par trois. Les tarifs aussi...

L'occasion de se pencher sur ce qu'apporte le TGV à la société, aux villes, aux gens. Car une tendance perpétuelle poursuit les promoteurs du train à grande vitesse : celle de systématiquement embellir la mariée, lorsqu'on la promet à de nouvelles villes de France ou d'ailleurs. Avec trente années de recul, un petit bilan s'imposait. 

Les effets structurants
« Le TGV dynamise un territoire à travers l’image positive qu’il véhicule » ; « La présence du TGV impacte nos vies, nos pratiques, notre image.»; « Les villes équipées d’une desserte TGV jouissent d’une image positive contribuant à renforcer leur attractivité ». Voilà en vrac un extrait de la brochure rémoise "Paroles d’Acteurs" de mai 2012.

Le TGV a Strasbourg, une image revitalisée ? (Cha già José)
Un rapport commandé par le Conseil Régional de Champagne-Ardenne auprès de l’Université de Reims Champagne-Ardenne ne confirme cependant pas ces envolées d'optimisme : « les effets structurants du TGV n’existent pas. Une infrastructure ne peut avoir un effet que si le tissu socio-économique est capable de l’intégrer, de le valoriser et de corriger les effets négatifs susceptibles d’apparaître. Ainsi les effets de la LGV ne se manifestent qu’en présence de potentialités locales »

Un colloque de l'ASRDLF en 2012 précisait : « les villes desservies doivent présenter des opportunités pour passer d’une meilleure accessibilité à une meilleure attractivité. Le renforcement de l’accessibilité n’étant pas suffisant, notamment pour les villes petites et moyennes ne présentant pas une forte demande de mobilité, celles-ci doivent être avant tout être attractives pour bénéficier économiquement de ces dessertes ». La quasi totalité des acteurs de terrain sont d'accord sur ce point. Les chercheurs aussi. A Reims, « le TGV-Est une condition nécessaire mais non suffisante pour réussir le développement économique d’un territoire » note un professionnel, alors qu'il apparait certain que le TGV n’est pas à lui seul un élément justifiant le développement local mais « c’est un facilitateur », dit un autre (in Paroles d’Acteurs mai 2012).

Voilà qui remet au goût du jour le slogan selon lequel le TGV désenclave une région. Une erreur : il faut que la région en question ait déjà des atouts et les valorise encore davantage. Le cas de Genève, ville moyenne mais très internationale est exemplaire par rapport à Liège, bien placée mais sans atouts.

Un atout pour les entreprises ?
Partons à l'Ouest : cette société parisienne de technologie du vent est venue s'implanter au Mans. « le TGV a joué un rôle décisif pour notre implantation au Mans » souligne son directeur général. Il pointe que la ville est la seule agglomération qui permet d'être à moins d'une heure de Paris et en liaison directe avec les grandes villes de France et de l'étranger, via CDG, ce qui souligne l'importance de la connexion TGV-Air.

Le Mans renouvelle son quartier de gare avec des bureaux (IngolfBLN)
Reste que le TGV n'attire pas les entreprises d'un simple coup de baguette magique. « Il faut montrer que tout est réuni ici pour réussir » relève le directeur de l'association Carrefour Entreprise Sarthe. Paris-Le Mans en cinquante-quatre minutes, c'est bien. Mais une fois arrivé, que fait-on? L'accompagnement des entreprises doit continuer, TGV ou pas.

Ailleurs, le cas des gares de Vendôme (TGV-A), ou encore de Macon ou Montchanin (TGV-PSE) montrent que l’effet TGV au niveau de l’implantation d’activités autour des gares excentrées n'a pas eu lieu, pas plus d'ailleurs que sur le TGV-Nord et sa fameuse "gare des betteraves".

Avec le TGV-Est, des constats similaires apparaissent cinq années après son inauguration. Dans le nouveau quartier d'affaire de Reims-Clairmarais, derrière la gare, sur 50 entreprises installées, 70 % étaient déjà sur le territoire. A Reims, le TGV a généré une offre en immobilier de bureaux ainsi que la présence de nouveaux opérateurs. Dans les études de la professeure Marie Delaplace, lorsqu'il est demandé pourquoi elles se sont implantées ici, ces entreprises locales invoquent une offre immobilière nouvelle mais ne pointe que très rarement le TGV. Plus loin, dans les communes du Vernois, un chargé du développement économique de la collectivité précise :  « Nous sommes très bien desservis par les autoroutes, à quelques kilomètres de la gare Lorraine-TGV et de l'aéroport. Mais jamais, dans notre réflexion, le TGV n'est entré en ligne de compte. La route reste le point numéro un pour les entrepreneurs qui se sont installés chez nous ». Plus bas, à Nancy, on évoque un effet TGV autour de la gare mais avec surtout un recentrage des entreprises locales auparavant plus dispersées. Comme à Reims...

Des caractéristiques socio-professionnelles type TGV ?
Elles font aussi partie de la réussite - ou non - d'une LGV. On parle ici de cette vieille complainte qui veut que le TGV est réservé à une certaine classe sociale. Et si il répondait tout simplement à une demande non satisfaite ? 

A Lille, il fut constaté dès 1994 une pratique qui est celle des navettes quotidiennes entre Lille et Paris, tant dans un sens que dans l’autre. On trouve certains cadres et dirigeants parisiens qui viennent régulièrement, voire quotidiennement, à Lille et, inversement, des Lillois qui préfèrent effectuer la navette plutôt que d’emménager à Paris, pour des raisons de coût et de cadre de vie. La contraction de l'espace-temps par le TGV permet cela : avec le TGV, une heure de trajet, c'est 250km ! En banlieue parisienne, une heure, c'est 30km...

A Reims, certains estiment que le TGV jouera sur la sociologie de la ville, sur la formation d’une élite. Il est positif pour les entreprises employant des personnes à qualification élevée et mobiles. Marie Delagarde confirme que souvent, les dessertes à grande vitesse sont utilisées par les cadres ou assimilés, et que ce type de profil socio-économique favorise la desserte par TGV. En revanche, s’il s’agit d’emplois industriels plus "ouvrier", la voiture sera davantage privilégiée. Une réflexion dont devrait s'inspirer Liège, ville très industrielle.


Venir et vite repartir : l'atout majeur du TGV  (Matthew Black)
En dépit d'une attraction pour le  voyage d'affaire, le TGV-Est n'a engendré que très peu de migrations professionnelles entre Reims et les grandes villes du Nord-est de la France aujourd’hui desservies (colloque de l'ASRDLF en 2012). Vider les autoroutes ? Assurément, c'est pas pour demain....

Le TGV favorise-t-il l’attractivité résidentielle ?
Le TGV a pu avoir un petit effet sur le choix résidentiel pour des Franciliens natifs de la province et désireux de se rapprocher de leur famille. Lille étant à 38 minutes de Bruxelles, nombreux sont les picards venant travailler à Bruxelles. A Bruxelles-Midi, le quartier végète encore dans sa bonne gestion "à la belge", entre bureaux et logements de gamme supérieur que l'on tente de construire tout autour de la gare.

Le TGV ne répond clairement pas aux populations locales qui, pour le cas Bruxellois ou Liégeois, sont majoritairement précarisées et peu diplômées. Sur ce point, le TGV permet cyniquement de "nettoyer" les pourtours de gare de leur image de pauvreté qu'on lui a toujours collé. Une tentation qui dans certaines villes a même viré au rasage d'anciens quartiers et à la transformation des gares en "aéroports" avec commerces et autres. Cela a bien évidemment été dénoncé par une quantité d'associations de quartier qui n'expliquent pas pourquoi diable l'environnement ferroviaire urbain doit-il être de facto sale et précarisé ?

Liège : une belle gare, le TGV mais peu d'atouts (stef_dit_pat)
Contrairement à l'Allemagne, la France a fait le pari des gares hors agglomération, comme en Provence ou en Franche-Comté.  Comme l'a déjà souvent relaté Mediarail.be, il est acquit que les populations aisées ou "de classe moyenne" ne vivent pas toutes en ville mais plutôt à l'extérieur de celle-ci, en maison quatre façades tant décriées par les milieux écologistes. Pour cette clientèle là, la gare TGV hors-ville est une aubaine. Sauf si les tarifs de parking atteignent les 10 euros la journée, comme à Auxon (Besançon-TGV) ! Reste que comme l'explique cette professionnelle de Reims : « Je ne suis pas encore convaincue d’un effet du TGV sur l’attractivité du territoire. Nous pensions que Reims constituerait un choix résidentiel pour les Franciliens. Toutefois, nous avons vite constaté qu’il n’en était rien, hormis des Franciliens qui avaient des attaches rémoises. » 
Le TGV pour quel tourisme ?
Le colloque de l'ASRDLF l'a pointé sans ambiguité : les atouts spécifiques que possède chaque ville, de nature patrimoniale, littorale, culturelle, événementielle ou de tourisme vert, sont un préalable au développement du tourisme. Toutefois ce préalable n’est pas suffisant pour qu’une desserte TGV génère des flux supplémentaires de clientèles ; seuls les tourismes urbains et d’affaires semblent pouvoir être directement impactés par une desserte TGV. Une gifle pour la Provence ou l'Aquitaine ? 

Côte de Beaune : bien loin de la gare TGV...(cpakmoi)
C'est qu'on va rarement en vacances à Marseille, Barcelone ou Munich, mais plutôt dans les parages. Sur ce thème, le TGV sans sa location de voiture est un leurre, en dépit de l'affirmation claironnée à tout va que le train rapide "vous emmène au coeur des villes". C'est exact mais pour quoi faire ? Les sports d'hiver sont les seuls à pouvoir être pratiqué sans voiture : cette dernière n'est d'aucune utilité si on a la chance d'avoir un logement au pied du télésiège. Et à condition d'avoir magasins et restaurants à proximité immédiate...Les vacances d'été, c'est bernique car la priorité est précisémment de fuir le béton et de se promener. Sur l'arc méditerranéen, sans auto, il faut oublier ou opter pour des vacances de sédentaires (voir notre précédente chronique sur ce thème).

Les villes qui peuvent espérer profiter le plus d’une hausse de l’activité touristique doivent au préalable être dotées de ressources touristiques initiales suffisantes et adaptées à l’usage du train. Des régions comme Reims ou Beaune en savent quelque chose : on y vient pas pour la ville, mais pour les vignobles et la gastronomie. Et le colloque de l'ASRDLF de poursuivre : sans service d’acheminement des touristes venus en train sur les sites du vignoble, la combinaison de différentes visites et donc la constitution du « panier touristique » devient très difficile. Le TGV est, ici, d'aucune utilité...

Gorges de l'Ardèche : cherchez le train...(cpakmoi)
Alors de quel tourisme parle-t-on ? Du tourisme urbain et occassionnel, les "city-trips". Ce tourisme là a la cote et enregistre de fréquentes hausses. N'en bénéficient réellement que les villes phares bien dotées d'un patrimoine ou d'une renommée internationale. Tous les professionnels du secteur s'accordent à dire que le TGV a accéléré ici la croissance et renforcé les grandes places existantes : Amsterdam et surtout Londres en savent quelque chose. Tout comme Paris...
La professeure Delaplace résume plutôt bien le constat : « le TGV peut favoriser un tourisme de destination (quand on reste dans la même ville sans avoir besoin de se déplacer) et d'affaires. Bref, du tourisme de court séjour parce que par définition, on peut arriver et repartir plus vite. Pour le tourisme d'affaires, il faut que les infrastructures, l'équipement hôtelier, les centres de congrès suivent. Quand on veut rester plus longtemps, visiter les villes voisines, les villages, se balader à la campagne, et d'autant plus si on est en famille, on prend sa voiture. »

Conclusions provisoires
Le TGV a donné l'impulsion du renouveau ferroviaire dans les années 80 alors que le chemin de fer était promis au déclin. Il a rapproché une quantité de villes de Paris sans pour autant dynamiser de fond en comble les régions desservies. L'obsession de la SNCF reste bien de connecter en priorité Paris à la France et à l'Europe, et renforce ainsi les places fortes. Les atouts locaux restent primodiaux et on se rend compte que les Alpes étaient tout aussi fréquentées autrefois qu'avec le TGV aujourd'hui. Il apparait clair que le TGV est un atout pour voyager plus rapidement, d'un point A vers un point B. Il a mangé une partie de la croissance du transport qui, sans le TGV, aurait bénéficié à l'avion ou l'autoroute et ce phénomène est particulièrement présent sur le triangle d'or Paris-Londres-Bruxelles, qui obtient les meilleures parts de marché. Dans le questionnement actuel sur l'intérêt - ou non - de poursuivre le réseau de LGV, il importe à la lumière du passé de bien doser le possible impact d'un TGV sur une région donnée. Pour le moment, les touristes n'affluent pas par millions à Liège, Besançon ou Arras...


A lire : Pourquoi le TGV n'est plus la poule aux oeufs d'or de la SNCF (Challenges, 21/12/2013)