« SNCB : le projet qui supprime deux CEO sur trois »


L'analyse de Mediarail
Jacques Cornet se dit inspiré par l’exemple suisse en faisant l’impasse là-bas du contexte institutionnel helvète où la coopération CFF/entreprises cantonales est obligatoire car inscrite en texte de lois. L’excellente publication « Revue Générale du Chemin de Fer » a justement produit en février 2012 un article sur le système suisse de transport.

Au niveau de l’Etat
Bien qu’en cours de révision, la Loi Fédérale suisse actuelle affirme la compétence de planification à la Confédération, autrement dit à l’Etat. Il n’est ici nullement question du système belge très libéral où prédomine l’autonomie des entreprises publiques. Parmi les perles du transport suisse on citera également le système dit de « Trafic direct », obligation légale où TOUTES les entreprises de transports, bus inclus, doivent vendre des billets pour n’importe quelle destination en Suisse et établir des règles de partage des recettes entre elles. On n’imagine en aucun cas l’application d’un tel système dans l’architecture institutionnelle belge où domine le chacun pour soi. Sa proposition « d’une OAR (Office de l’accès au réseau) qui sera rattaché à l’autorité publique » fait plus que sourire tant on connait le mental belge en matière de gouvernance publique. L’autorité dont jouit l’OFT suisse est tout simplement impraticable chez nous.La comparaison s'arrête donc ici.

Au niveau de la société ferroviaire
Jacques Cornet a raison lorsqu’il démontre que «  l’actuelle structure à trois engendre des difficultés dans la gestion de l’entreprise en raison des rivalités entre les entreprises nées de cette organisation qui génère une dégradation de la qualité attendue ». Mais la faute à quoi ? Et sont-ce réellement des rivalités ? Il faut y voir avant tout une loi mal ficelée qui a voulu contenter tout un chacun sur l’unicité du statut du personnel tout en promulguant un chemin de fer bicéphale. On peut sur ce point suspecter l’Etat d’avoir ici voulu répondre à la fois aux désidératas de l’Europe et vouloir à tout prix éviter l’explosion d’un volcan social ferroviaire. On est bien loin de l’esprit visionnaire d’un système de transport idéal voulue par la population.
Il y a surtout le contrôle, l’une des grandes failles de la politique belge. En Suisse, TOUTES les entreprises de transport doivent présenter une fois par an à l'OFT leurs comptes annuels et leur bilan pour examen et approbation. Selon un conseiller fédéral (1), par le passé, il a déjà été interdit aux CFF d'imputer à la division Infrastructure des coûts financiers qui doivent être attribués au secteur déficitaire des transports. On se rappellera qu’à ce titre l’ancienne SNCB unitaire avait précisément été appelée à manipuler les deniers publiques entre « la voie » et « l’exploitation », engluant les comptes dans une opacité voulue (2). C’est notamment cette opacité qui a convaincu la Commission européenne d’obliger à une séparation – au moins comptable – entre infrastructure et transporteur afin de clarifier l’utilisation des deniers du contribuable.
On peut encore suivre Jacques Cornet sur sa conviction de rendre « l’entreprise SNCB plus efficace avec une structure allégée et moins coûteuse » en diminuant de facto le nombre de conseils d’administration et de managers. Mais si cette solution apporterait l’efficacité voulue à la SNCB, pourquoi ce n'était pas le cas déjà par le passé ? De plus, le danger est grand de voir s’engendrer une discrimination flagrante envers les nouveaux entrants, dès lors de le gestionnaire d’infrastructure redeviendrait juge et partie, favorisant de facto son frère unique, la SNCB Transport. Quid alors de la garantie d’accès ? Si Jacques Cornet propose la création d’un OAR, ce dernier devra alors avoir autorité absolue sur le premier transporteur national, en l’occurrence la SNCB. Ce qui revient à supprimer un pan entier de l’autonomie de gestion et à mettre l’actuelle Infrabel sous tutelle de l’Etat ! Bref on tourne en rond…En définitive, comparaison n’est pas raison et on remarquera au passage que la DBAG allemande songe maintenant à se séparer de son infrastructure vu la quantité de procès pour discrimination intentés par des nouveaux entrants. A méditer…

(2) Voir les livres de Marc Vandermeir « SNCB - Nuit sur le Train » 1996  et « SNCB : la faillite du politique » 2004.