Ce qu'on entend par Intercity : les bonnes pratiques en Europe
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31/05/2015
Un débat récent en
France a montré la difficulté, dans les pays qui ne le pratiquent pas, de
définir le créneau dans lequel on peut classer ce qu’on appelle les trains
Intercités. Un petit tour d’horizon européen permet dès lors de mieux cerner la
question.
Petite histoire
Lancé au début des
années 1960, la marque a été créée par British Railway pour marquer les
services voyageurs express et longue-distances, et qui dominèrent le secteur
des « express ». La marque InterCity s’étendit ainsi à travers tout le réseau
de British Rail. L'Allemagne a emboîté le pas en septembre 1971, avec quatre
lignes où les trains étaient cadencés toutes les deux heures sous la
dénomination "F" (Fernverkehr, F-Zug). Dans les deux cas, il faut
reconnaître que la spatialité des villes et la géographie nationale ont
grandement aidé à l'instauration de ces réseaux. Par contraste, les autres pays
continuaient leur politique de trains express, avec du matériel varié, particulièrement
en France où c'est le centralisme parisien qui façonnait le trafic ferroviaire.
Le concept Intercity,
dont le nom anglais fut repris tel quel en Allemagne, avait deux avantages. Le
premier est d'ordre marketing, puisque les clients peuvent mémoriser facilement
chaque "heure" de départ de leur gare, sans devoir à chaque fois
consulter l'indicateur horaire. Le second avantage permettait l'exploitation de
ces trains avec du matériel roulant fixe et identique tout au long de la
journée et tous les jours de l’année, à quelques exceptions près. On pouvait
ainsi offrir un service parfaitement linéaire, sans devoir entreprendre les
innombrables exceptions qui caractérisèrent tant les chemins de fer d'hier. Le
concept présente un côté industriel qui sied parfaitement à son époque, les
années 70. Certaines gares adoptent d'ailleurs aussi un design moderniste...
Une version
internationale fût adoptée le 1er mai 1980 avec les Euro-City, quand il fût
certain que les luxueux trains Trans-Europ-Express étaient amenés à
disparaître, ce qui fût le cas en 1987. Il s'agissait davantage de fixer des
standards de qualité du matériel roulant, comme la climatisation et la
restauration. Le concept persiste encore de nos jours dans les pays
germano-alpins. L'arrivée de la grande
vitesse a vu deux conceptions se superposer. Alors que l'Allemagne, avec ses
ICE, et l'Italie, avec ses ERT500, conservaient le même concept et tarification
en vigueur sur les trains "classiques", la SNCF préféra opter pour la
spécialisation avec un marketing entièrement nouveau qui se superposait à la
tarification classique. Ce choix est l'une des causes du débat actuel à la
SNCF, qui n'a jamais pu repositionner ses trains "corail" au niveau
marketing. La Grande-Bretagne, dénuée de grande vitesse en dehors d’Eurostar, a
toujours poursuivi sa politique Intercity, même après la privatisation et la
franchisation des services longues-distances.
Certains petits pays
avec un réseau dense ont également construit depuis de nombreuses décennies un
horaire interurbain cadencé, mais à une échelle régionale, comme aux Pays-Bas,
au Danemark, en Belgique et bien sûr, en Suisse. Dans ce dernier pays, tous les
trains Eurocity sont intégrés dans le service horaire national et n’ont pas de
ticketing spécifique, sauf peut-être l’un ou l’autre supplément. Quelle est la
situation actuelle ?
Grande-Bretagne
L’exemple est facile.
Les grandes lignes sont aujourd’hui toutes franchisées. Le marketing est donc
spécifique à l’opérateur, avec tout de même des similitudes. Le matériel
roulant est identique tout au long de la journée et les services opérés par
routes spécifiques, à l’heure ou à la demi-heure, comme le montre le schéma
horaire ci-dessous. Les opérateurs les plus connus sont First Great Western,
Midland Mainline ou bien-sûr, l’emblématique Virgin. Les deux premières
utilisent encore les increvables HST 125 tandis que d’autres ont renouvelé
intégralement leur flotte avec des Pendolino (Class 390, Alstom), des Super Voyagers (class 221 Bombardier) ou
des Adelante comme chez Grand Central (class 180 Alstom). Toutes les
compositions sont fixes et le segment Intercity est depuis longtemps en
concurrence avec les bus longue-distance.
Allemagne
La côte Ouest anglaise, dite WCML, est sous franchise attribuée à Virgin qui exploite notamment ces Pendolino 390 d'Alstom jusque Glasgow (photo par Matt Thorpe via flickr CC BY-NC-ND 2.0) Video HST 125 Video Pendolino 390 |
Si le réseau dispose
de la grande vitesse, il n’a pas évincé ses Intercity classiques, loin s’en
faut. Au contraire, la livrée du matériel Intercity a même muté vers celle des
ICE pour former un seul ensemble : le service longue-distance, sans distinction
de technologie ni de marketing. Le matériel classique est doté des excellentes voitures
allemandes type A ou Bpmz au gabarit européen Z, et toutes les rames disposent
dans une majorité des cas d’une voiture-restaurant. Les compositions sont fixes
tout au long de l’année et passent régulièrement les frontières vers la Suisse,
l’Autriche et la Hongrie. Ce segment est depuis peu attaqué par les bus longues
distances, libéralisés depuis 2013.
Pays-Bas/Allemagne :
locomotive 1739 des NS en tête de l'IC 143 (Amsterdam Centraal - Berlin
Ostbahnhof) le 27 septembre 2014. Voitures allemandes de type A et Bpmz, en
livrée "ICE" et qui passent les frontières sans problèmes ( photo de PatrickvH. via
flickr CC BY-ND 2.0)
Video Intercity DBAG |
Italie
Le pays dispose aussi
de la grande vitesse ferroviaire avec son concept Intercity Frecciarossa mais
en dehors de la grande vitesse, Trenitalia a créé aussi 58 relations
Frecciargento qui relient chaque heure Rome à Verone et Venise, et en moindre
mesure le sud de l’Italie, à l’aide
d’une flotte d’ETR 485 et 610. Au-delà de cela existe une troisième catégorie
d’intercity, les 86 Frecciabianca, qui sont des trains du réseau classique,
avec par exemple un départ horaire de Turin à Venise. Ils sont exploités à
l’aide de rames classique de voitures Z ou BZ, tractées par des locomotives
E402B, ainsi que des ETR 460/463. Ces trois services « Freccia » disposent de
leur propre page web et offrent une cohérence dans la politique longue-distance
italienne, qu’elle soit à grande vitesse ou non.
Trenitalia aligne, au-delà de ces services à grande vitesse, une gamme de "Frecciabianca", des rames tractées par les lélégantes E402B, qui en arbore le label (photo de Marco 56 via flickr CC BY 2.0)
Video Frecciabianca |
Autriche
Les autrichiens
disposent aussi de l’horaire cadencé longue distance et d’une petite section à
230km/h. Le service est aujourd’hui principalement composé des Intercity
classiques et surtout des Railjet. Ces derniers peuvent être actuellement
considérés comme étant le top européen en matière de rames tractées. Ils
relient les principales villes d’Autriche à la capitale à raison d’un train par
heure, comme le montre la carte ci-dessous. Certains Railjet sont prolongés
hors des frontières, comme ces Budapest et Munich ou ces 7 allers-retours avec
la Tchéquie entre Graz, Vienne, Brno et Prague, soit un train toutes les deux
heures. Le matériel roulant est entièrement nouveau et les compositions sont
fixes : une élégante locomotive Taurus 1116 et sept voitures (Siemens). Deux
rames peuvent être accouplées pour former un train de quatorze véhicules. La
liaison Vienne-Salzbourg est concurrencée depuis décembre 2011 par le nouvel
entrant Westbahn, qui exploite 13 allers-retours par jour (17 en fin de
semaine), strictement cadencés comme le montre le cliché en bas :
Tchéquie
On s’attendrait moins
à voir des intercity dans les pays de l’Est, et pourtant. Les ČD exploitent un
service cadencé toutes les heures mais pas aux mêmes minutes entre Prague et
Ostrava, une heure par train classique, et l’autre heure par Pendolino 680
(Alstom). En revanche les Prague-Vienne-Graz sous label Railjet cités plus haut
sont strictement minutés toutes les deux heures, insertion à l’horaire
autrichien oblige. A cette trame s’ajoute deux concurrents sur Prague-Ostrava.
Leo-Express exploite des Stadler First mais n’a pas d’horaire cadencé strict,
au contraire de Regiojet qui a cadencé ses 10 allers-retours. On obtient donc trois opérateurs Intercity sur un même axe, actuel record mondial.
Les CD alignent des Pendolino ( à gauche photo CD) et des Railjet
identiques aux autrichiens pour l’international (photo à droite, de Tim Adams via flickr CC BY-SA
2.0)
|
Conclusions
L’Intercité en Europe
est décliné sous des formes assez semblables. Ses atouts sont la
systématisation des horaires et du matériel roulant. Leur créneau s’insère dans
les relations longues-distances, qu’elles soient à grande vitesse ou non, ou
partiellement. Le marketing de ces trains fait partie d’un ensemble cohérent,
comme en Autriche ou en Italie, où le produit « Intercity » est inclus dans un
ensemble tarifaire complet sans être relégué. Il n’est pas un train secondaire
par rapport à de nouveaux produits, il est inséré dans le marketing de tous les
transports longue-distance.
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