Shiki-Shima, un nouveau train de luxe pour 34 personnes

Au Japon, le chemin de fer est une idole pour les amateurs de transports, de même qu’à travers le monde, et le dernier enfant qui vient de naître sur ses rails est certain d'attirer davantage d'adoration. Pour la plupart des Japonais, les trains font partie de la vie quotidienne et la majorité des gens se sentent liés à eux, surtout parce qu'ils utilisent les trains locaux pour se rendre à l'école ou au travail, sans compter les Shinkansen qui circulent toutes les dix minutes de Tokyo à Osaka et au-delà. Mais il s’agit là du train classique, banal et grand public.

A défaut d’Orient-Express local, le Japon mise depuis quelques années sur le modernisme luxueux et la relaxation sous forme de voyage lent, dans un pays qui idolâtre – avec excès – la culture du travail. Le nouveau train de nuit Shiki-Shima, de East Japan Railway, a été lancé la semaine dernière et truste déjà la première place du podium comme train le plus luxueux du monde. Ses dix voitures possèdent 17 suites spacieuses, dont certaines sont équipées d’une salle de bain avec baignoire. Et ce n'est pas la seule chose qui fait qu’on se sentirait comme dans un hôtel cinq étoiles : ce train propose également un piano-bar, deux voitures d'observation à paroi vitrée aux extrémités (photo) et même un restaurant coté chez Michelin. Ce train est ainsi une vitrine pour le design et l'artisanat japonais et succède au déjà excellent Kyushu Seven Stars lancé en 2014.



De quoi s’agit-il au juste ? D’un train de luxe qui propose en réalité une mini-croisière de deux à quatre jours (une à trois nuits à bord), sur le modèle des croisières fluviales en Europe. Le train quitte la gare d’Ueno et ne roule que sur le réseau à voie métrique d’East Japan Railway, soit tout le nord montagneux de Tokyo, en ne dépassant pas les 110km/h. Des « escales » de deux ou trois heures permettent de visiter en toute tranquillité des sites tels que les chutes de Naruko, le sanctuaire Nikko Toshogu ou encore le château d'Hirosaki. Des excursions supplémentaires permettent aussi de visiter des artisans locaux et d’essayer des plats distinctifs associés à telle ou telle région encore relativement inexplorée. Au niveau technique, ce train est « bimode » puisqu’il roule aussi bien sous lignes sans caténaires que lignes en disposant.

Dessiné par Ken Kyoyuki Okuyama (qui travailla notamment pour Porsche), le Shiki-Shima est en réalité un ensemble d’architecture typiquement japonaise. On y trouve ainsi des tatamis posés dans les chambres et une baignoire spécialement fabriquée en bois de cyprès qui décore une suite ‘signature’. Le salon est inspiré d'une forêt japonaise et le service met en vedette le meilleur de l'hospitalité japonaise avec des concierges et des majordomes pour chaque suite. Une cave à vins avec les meilleurs crus est bien entendu disponible. Six des dix voitures du train – en réalité une automotrice – proposent les 17 suites, deux voitures au centre de la rame sont la voiture restaurant et une voiture-salon, tandis que les deux voitures d’extrémité sont dites « panoramiques », en dépit de la présence obligatoire des cabines de conduite. Mais ces quelques photos valent d’ailleurs mieux que tous les discours (©East Japan Railway)…

















Dans une culture où le travail prime avant toute chose (une étude gouvernementale de 2015 a constaté que près de 40 pour cent des japonais avaient un sommeil de moins de six heures par nuit), passer deux ou trois jours sur le Shiki-Shima est un luxe ultime. Le site dédié au train indique clairement que le nombre minimum de voyageurs pour le faire rouler est de… 28 passagers, le maximum étant de 34. La compagnie ne va sans doute pas craindre le taux de réservation puisque, en dépit de voyages de deux jours coûtant 2.582 euros par personne – ou 6.052 euros pour quatre jours -, la demande a dépassé… 76 fois l’offre de places disponibles, à tel point que le train est vendu jusqu'en mars 2018 sur certains circuits ! Il est certain que ce train n’est destiné qu’à une clientèle chic, bien loin des densha otaku, ces fans du train sous toutes les formes qui pratiquent leur loisir en filmant, regardant ou encore en jouant à des jeux mettant en scène leurs trains favoris. Ceux-là devront se contenter de photos et de vidéos, un peu comme nous tous, finalement…



Le lancement du Shiki-Shima précède également celui d’un autre train de luxe japonais: le Twilight Mizukaze Express de West Japan Railway cette fois qui, selon une norme similaire, explorera l'ouest du Japon sur les routes qui occupaient l'ancienne capitale culturelle de la péninsule, Kyoto, Osaka, la mer du Japon et le mont Fuji.

Voir la video du Shiki-Shima