Mobilité : ce qu’il ne faut pas faire
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08/11/2015
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Pendant ce temps, les grands de ce monde iront pavoiser dans de grands séminaires mondiaux, pour marchander leurs tonnes de CO2. Ils pourront côtoyer les théoriciens qui continueront de balancer des discours politiques et moralisateurs. Deux mondes, mais une seule planète...
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La COP21 va bientôt s’ouvrir à Paris. Probablement une nouvelle session pour rien, juste pour s’entendre dire que nous nous dirigeons droit dans le mur avec l’ère de l'automobile et que nous devons changer le monde pour aller vers une ère post-pétrole. Depuis environ 30 ans, nous parlons du même thème sans changements notoires. Pourquoi ? Parce que les réponses ne collent pas aux réalités du terrain. Voyons cela en détail.
Un débat théorique
Récemment, deux scientifiques se posaient cette question : «Observer les routines, les stratégies temporelles que les individus et les ménages mettent en œuvre de manière répétitive, est une bonne manière de comprendre les logiques qui président à leurs choix modaux. » Et bien Messieurs, il était temps d’y penser…Car d'autres de vos collègues en sont restés à des approches basiques, essentiellement urbaines, en oubliant que des millions de gens ne vivent pas en ville mais dans des urbanisations qu’ils ont choisies. Le problème est que ce sont principalement des théoriciens qui nourrissent le discours sur la mobilité et qui se présentent à tous les séminaires à travers le monde, comme la COP21.
Les deux scientifiques en détectent une conséquence fâcheuse : «On voit alors sur quoi bute l’action publique aujourd’hui : ou bien trop globale, au travers de discours moralisateurs, de normes complexes et générales, d’une politique d’offre d’équipements. Ou bien trop individuelle (au travers d’incitations fiscales et de taxations).» A cela s’ajoute l'opposition entre radicaux et modérés, qui proposent des stratégies qui ne répondent pas aux problèmes quotidiens des citoyens. On peut donc comprendre rapidement pourquoi aucun progrès n'a été enregistré ! Quelles sont les choses à ne pas faire ?
Balancer un discours moralisateur
Les gens n'aiment pas la diabolisation de leur vie privée par certains groupes écologistes. Ils n'acceptent pas les morales qui ne leur conviennent pas. Ils se fichent des grandes philosophies et des théories politiques. Ils se méfient des grands penseurs et des théoriciens. Ils ont une conscience écologique mais ils veulent conserver leur mode de vie et leurs valeurs. Ils ne sont pas prêts à abandonner la consommation, mais bien à la modérer. Ils sont adeptes du changement, mais pas du radicalisme.
Balancer un discours déconnecté de la réalité
Lorsque vous devez aller faire une course rapidement, le bus peut vous y emmener, mais il ne vous attend pas, et aller chercher simplement du pain ou voir un médecin prend des heures. Sauf si vous êtes assez chanceux pour vivre à côté d’un arrêt de bus ou tram, vous devez vous contentez de lignes de bus lentes, pas toujours fréquentes et empruntant de larges détours, certaines ne fonctionnant pas en soirée ou durant les week-ends. Vous êtes dépendant d’éléments externes que vous ne contrôlez pas. Mais les idéalistes persistent à dire qu'il s'agit là d'une illusion, d'une perception, que dans une vie collective, il y a toujours des contraintes qu'il faut accepter. Même s'il faut deux heures pour acheter son pain ?
Opposer le train à l’auto
Le train est une technologie lourde qui utilise de l'électricité, ce qui requiert mille précautions à l'exploitation. Certes, le train est écologique et n'utilise pas l'énergie fossile, excepté les trains diesels. C'est un excellent transport de masse pour des personnes qui vont vers une même destination (la ville). Mais il est illusoire de proclamer le train comme étant la réponse à la congestion automobile : le train ne peut pas aller partout, il n'aura jamais la taille du réseau routier, plus facile à construire (pentes, courbes, coûts plus faibles...). Personne ne souhaite avoir le chemin de fer comme voisin...
(photo par www.photos.highways.gov.uk via flickr CC BY 2.0) |
Tout le monde n’habite pas la ville
En Europe, beaucoup de gens vivent en dehors des villes, ils sont mêmes majoritaires. Si vous voyagez de Manchester à Milan, vous comprenez très vite le problème. Angleterre, Benelux, Allemagne, Suisse, Lombardie, ce vaste poumon économique de 1000 kilomètres n'est qu'une vaste urbanisation. Est-ce vraiment ces gens-là qu'il faut cibler pour une politique sans auto ? Bien sûr, il est un devoir pour demain de stopper l'urbanisation galopante. Mais la rurbanisation actuelle ne sera pas détruite demain. Elle sera vendue à nos enfants qui auront tant besoin de maisons à prix abordables, et qui vont probablement reprendre le même style de vie avec quelques variations. L'habitat d'aujourd'hui, qui aura vieillit demain, sera certainement rénové avec un design plus conforme à une basse consommation d'énergie. Mais la mobilité restera ce qu'elle est. Les distances n'auront pas changé demain. En revanche, on peut promouvoir davantage le vélo quand il ne pleut pas et ouvrir de plus petits magasins proches des gens, en espérant qu'il y ait de la qualité et des prix abordables, ce qui n'est pas toujours le cas du commerce local.
Alors, ne faut-il rien faire ?
Que du contraire ! Mais il faut cibler les enjeux là où on peut réellement faire la différence. Le choix de transport est influencé par plusieurs facteurs, tels que les caractéristiques individuelles de son mode de vie, le type de voyage, la performance de service perçue de chaque mode de transport et les variables de situation. Cela suggère la nécessité de segmenter les besoins en tenant compte des attitudes et des comportements de voyage. Les politiques qui visent à influer sur l'utilisation de la voiture doivent être ciblées sur les segments de marché les plus motivés à changer et désireux de réduire la fréquence d'utilisation de la voiture. On trouve davantage cette motivation dans le milieu urbain, pas en province ou dans les milieux semi-ruraux.
Le vrai futur de la mobilité
De plus en plus d'Européens voyageront au cours des prochaines décennies. Nous ne pouvons nier cette évidence. C'est donc principalement là où il y a le plus de gain possible qu'il faut cibler la politique de mobilité. Autrement dit, du côté des villes, où des pratiques nouvelles peuvent et doivent être encouragées, comme le vélo ou le transport public fréquent et sécurisé. Le futur n'est pas l'opposition d'un mode à un autre, mais une combinaison astucieuse de tous les modes, selon le type de déplacement, son rythme et sa période (de jour ou en soirée). L'avenir de la mobilité est une solution mixée. Nous devrons conduire des stratégies de substitution, y compris par le développement de nouvelles technologies telles que les véhicules électriques et dans une moindre mesure également la poursuite du déploiement des biocarburants durables. Revoir nos pratiques de vies ne signifie pas faire table rase de notre société moderne, cela signifie conserver le meilleur et ne changer que ce qu'il y a à changer. Les grandes théories et la diabolisation de notre mode de vie n'auront aucun impact sur les problèmes que nous voulons résoudre.