Suisse / CFF : le monde change, la restauration aussi
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14/01/2016

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Ce n’est guère une surprise. Même en Suisse, les habitudes et les attentes de la clientèle en matière de restauration sont en pleine mutation depuis plusieurs années. Les nouvelles modes de vie avec les sandwiches-minute en gare ou à proximité (moins chers) mettent en péril la légendaire restauration par minibars à bord des trains suisses. Ainsi que les emplois…

Très chère restauration à bord
Les minibars existent depuis des lustres à bord des trains régionaux et Intercity. En Europe cependant, on ne les voit plus depuis de nombreuses années sur des réseaux similaires tels qu’en Belgique ou aux Pays-Bas. Selon les CFF, la demande auprès des minibars a fortement diminué et ces dernières années, les ventes ont connu une baisse d’environ 40%. Il n’est pas utile d’épiloguer sur les habitudes de consommation des suisses au XXIème siècle : le sandwich-minute à toute heure de la journée fait partie du quotidien depuis des lustres, sans compter les croissants chauds et le café disponibles en libre-service dans les grandes et moyennes gares, et cela pour quelques francs CHF. Or c’est là que se situe le problème. Selon certaines estimations, une famille de quatre personnes doit débourser jusqu’à 50 CHF (46,00 euros) pour les boissons et les sandwiches à bord, ce qui est beaucoup trop cher même pour un salaire suisse. Un pique-nique et des collations préparées à domicile représente à peine le cinquième de ce prix, rapporte l’association Pro Bahn.



Les gares : nouvelles recettes immobilières ?
L’autre cause, conséquence de ce qui précède, est la prolifération des sandwicheries non seulement en gare mais souvent à proximité, quand ce n’est pas au sein de certaines moyennes-surface de quartier. Les boucheries/charcuteries ont également développé ce créneau du sandwich garnis, et la clientèle en raffole au vu de la qualité fournie. Dans les gares, les anciennes brasseries aux néons glauques et à la qualité toute relative ont fait place aux sandwicheries et autres comptoirs Horeca en tout genre (bonbons, crème glacée). Les modes se succèdent avec maintenant les comptoirs présentant des produits frais, voire bio (jus d’orange nature…). Or les CFF comptent beaucoup sur ces enseignes pour redonner du tonus et de la vie aux gares, que trop de personnes jugent encore comme étant de simple lieu de passage qu’il faut fuir. Les gares aujourd’hui sont d’ailleurs l’enjeu d’une vaste reconfiguration de leur rôle, étant appelées à devenir des centres de quartier, voire des centres commerciaux. En avril 2014, un communiqué de presse des CFF écrivait : « Finie l’époque où les gares n’étaient que de simples centres de transit: ce sont aujourd’hui des espaces de rencontre. Cette évolution se répercute aussi sur le mode de consommation des passagers » (voir à ce propos cet article).

Or c’est justement contre cette situation que le syndicat SEV s’est souvent insurgé. Depuis de nombreuses années, dit-il, les CFF creusent la tombe des minibars en louant dans les gares de plus en plus d'emplacements à divers take-away, qu'ils ont jusqu'ici également partiellement exploités. Cela permet à CFF Immobilier d'encaisser de nombreuses recettes alors que la division Voyageurs des CFF doit couvrir les déficits croissants de la gastronomie ferroviaire, rappelle un communiqué.

Restaurer…la restauration
La conséquence de tout cela est l’adaptation de la restauration à bord prônée par les CFF pour l’avenir. La restauration à la place dans certaines voitures de 1re classe et l’offre de libre-service seront développées et remplaceront progressivement l’offre de minibar à partir de la fin 2017. Le parc des voitures-restaurant passerait d’ici 2021 de 90 à 120 unités, alors que d’autres réseaux en Europe en éliminent à la pelle. Ces voitures ne circuleront que sur les InterCity et les trains internationaux. Les lignes suisses InterRegio en revanche, verront la suppression de la restauration par mini-bar en raison de la trop faible demande. Dans les gares aussi, les CFF vont se retirer et les surfaces commerciales Segafredo, exploitées actuellement sous franchise par la filiale des CFF, Elvetino. Elles seront relouées à partir de la mi-2016, ce qui impacte sur l’emploi du personnel.



L’association Pro Bahn Suisse se félicite de l'expansion de la restauration dans les trains avec davantage de voitures et un service restauration à la place pour les clients de première classe. « Pour ces clients, c’est une bonne chose » dit-elle. Les passagers de seconde classe, cependant, seront obligés de quitter leur place pour la consommation en voiture-restaurant, ce qui n’est pas toujours aisé, surtout aux heures de pointe où l’on risque de perdre sa place, ou lorsque qu’on est accompagné de bagages. L’association demande ainsi le maintien d’une offre minibar aux heures de pointe pour ne pas faire bouger les gens.

La question de l’emploi
De son côté, le syndicat SEV appelle, dans un communiqué du 8 janvier dernier, à la responsabilité de l’entreprise sur la question de l'emploi du personnel de la filiale Elvetino, et que des mesures soient prises pour contribuer à son développement professionnel. Qui rappelle que les minibars donnent du travail à quelque 300 personnes. « Beaucoup de ces gens sont actifs depuis des années dans cette profession et ils connaissent les voyageurs, ils sont très appréciés et travaillent avec un grand engagement dans les trains » souligne Regula Bieri, la secrétaire syndicale responsable du dossier. Si le personnel des minibars est réengagé à l'avenir dans les voitures-restaurants, Elvetino a le devoir de former les personnes concernées pour ces nouvelles tâches et de leur offrir les moyens d'un développement professionnel, demande le communiqué. Le SEV exige en outre que les entreprises qui reprendront les bars à café se conforment aux dispositions contractuelles concernant la garantie de l'emploi et s'engagent à négocier, si elles n'en ont pas encore, des conventions collectives de travail équivalentes. Pas sûr que ce soit la direction que prendront les choses dans le courant de cette année…


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