L’analyse de Mediarail.be - Technicien signalisation
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Légère euphorie pour les tenants d’une holding
intégrée en matière ferroviaire : l’avocat général Niilo Jääskinen, membre
de la Cour de justice de l'Union européenne, a jugé irrecevable ce jeudi 6
septembre 2012 la plainte de l’Union Européenne à l’encontre de l’Allemagne et
l’Autriche. Cette dernière faisait valoir que (sic) « … les directives ne permettent pas aux États membres
d'intégrer le gestionnaire indépendant dans le cadre d'une société holding à
laquelle appartiennent également les entreprises ferroviaires, sauf s'ils
prévoient des mesures supplémentaires pour garantir l'indépendance de la
gestion ».
Selon Niilo Jääskinen, la directive 91/440, relative au développement de
chemins de fer communautaires, « n'oblige
pas les États membres à réaliser une séparation institutionnelle entre le
gestionnaire indépendant et l'opérateur historique » (sic). Une belle
divergence d’interprétation qui fait débat alors que se tient les négociations
sur le 4e paquet ferroviaire.
Il est curieux que Niilo Jääskinen se base encore sur la 91/440, car, comme le mentionne
opportunément le site Mobilicité (1) (sic) « les recommandations sont conformes au droit européen tel qu'il était au
moment de la plainte, en 2010….Or les textes ont fait l'objet d'une refonte en
juillet 2012 qui renforce l'indépendance du gestionnaire d'infrastructure et
qui va être traduite dans les législations nationales au plus tard en 2015 ».
De manière générale, les juges de Luxembourg tiennent compte de 80% des
recommandations – car c’est de cela qu’il s’agit – de leur avocat général. Or
recommandation ne signifie pas contrainte réglementaire. Et selon l’association
CER, qui regroupe les compagnies dites « historiques », chaque pays
peut choisir son modèle, ce qui ajoutera à la confusion. Tentons de voir plus
clair.
Indépendance de gestion
C’est l’indépendance de gestion qui est le cœur de la
polémique : la garantie, au sein d’une holding, qu’il n’y ait pas de
favoritisme envers « le grand frère transporteur » est sujette à des
interprétations les plus diverses, comme toujours en matière de droit.
Rappelons l’exemple italien où les FS avaient protesté sur les arrêts
intermédiaires des Euro-City allemands Munich-Vérone, arguant que cela faussait
le marché du trafic régional transalpin, ressortant opportunément de son
chapeau une règle européenne donnant la primauté du trafic intérieur de service
public par rapport au trafic international. Le même raisonnement fut agité
lorsqu’Arenaways lança ses trains sur Turin-Milan (voir la chronique l'Italie, berceau de la libéralisation durail). Or c’est RFI, le gestionnaire italien, qui déposa la plainte.
Sous demande du grand frère ? Cet exemple « d’interdépendance » à
peine voilée est pointée du doigt par les nouveaux entrants, notamment dans ce
rapport du Sénat Français de 2005 où l’on lit, en page 16, que « les opérateurs (ndlr privés) reprochent
globalement au système français une organisation tournée à leurs yeux
essentiellement vers les besoins de la SNCF et un certain manque de souplesse ».
Plus grave, le rapport émet des craintes sur la confidentialité des données
(re-sic) : « (les nouveaux
entrants, ndlr) doutent, du fait de la participation du gestionnaire délégué à
l'instruction des demandes, que la confidentialité des informations soit
parfaitement garantie » (2). Car c’est là aussi un argument
impératif : la demande de sillons, et la fréquence demandée, traduit toute
la politique commerciale d’un nouvel entrant, et donc dévoile des données
sensibles à l’opérateur historique en cas de gestion intégrée au travers d’une
holding. L’opacité juridique qui règne – parfois de manière voulue – dans les
interprétations de divers pays laisse augurer de belles passes d’arme.
L’Infrastructure, ce
monstre qui fait peur
(Figueres-Vilafant, août 2012, photo Mediarail) |
Rien ne vaut mieux que ce résumé de Ronny Balcaen,
(Ecolo). Dans un entretien à La Libre Belgique, il s’inquiétait en juin 2012 – en cas de structure à deux - de l’éventuelle
montée en puissance d’Infrabel, le gestionnaire ferré belge (sic) : «dans la nouvelle répartition des
compétences, Infrabel s’en sort admirablement bien. La SNCB n’aura plus aucune
vue sur les gares, elle perd toute la question de la gestion des opérations à
quai (départs des trains, etc.). Tout cela va passer de la SNCB vers Infrabel.
Et on ne sait toujours pas quel sera le rôle des accompagnateurs de trains dans
ce schéma. Le gestionnaire de l’infrastructure va devenir hyperpuissant ». Une
crainte largement partagée ailleurs en Europe, et pas seulement par le pouvoir
politique. Pourtant, en Espagne, on a franchi le pas puisque les logos de l’ADIF
sont désormais placardés sur toutes les faces des gares importantes, le
« transporteur national » devenant du coup moins visible (voir
ci-contre, gare de Figures-Vilafant). Une horreur pour certains réseaux comme
la SNCF ou la SNCB qui craignent pour leur influence publique et politique. Ce
qui n’est pas faux : le chemin de fer séparé étant de toute manière
« deux » services publics, dans certaines circonstances politiques
précises, on pourrait même voir la droite favorisé l’un, et la gauche l’autre.
Avec de solides batailles concernant les subventions et les nominations.
Subventions croisées,
droite et gauche s’étripent
Il s’agit là d’un sujet de pure politique. En
pratique : les secteurs d’une holding les plus rentables renflouent les
canards boiteux. Si c’est parfaitement concevable au sein d’une holding privée,
où seul le grand patron décide, l’argument ne tient plus au niveau de l’Etat,
où la démocratie impose des arbitrages…politiques, et donc partisans. La
Suisse, modèle ferroviaire mais aussi chantre du « tout intégré »,
s’interroge ainsi sur le bien-fondé de son système, où une fracture politique
gauche-droite apparaît au grand jour (3). Mutualiser les recettes pour les
redistribuer est une idée bien à gauche, mais on en vient alors à ce que des
secteurs bien portants renflouent des déficits d’ailleurs. Dans le cas
ferroviaire, ces dernières quarante années ont vu les budgets s’en aller
davantage vers le matériel roulant que vers l’infrastructure, peu porteuse
électoralement. En clair : ca revient à faire rouler des BMW sur des
routes à pavés ! Mais quand l’Etat le voulait, on réduisait le budget rail
pour mieux financer l’armée ou renflouer la sidérurgie. Principe de solidarité
essentiel selon la gauche, subventions partisanes et risque de gaspillages
rétorque la droite. Sauf que se passer de quelques années de
sous-investissement en matériel roulant peut encore passer la rampe à un public
« qui s’habitue aux vieilles choses » dans lequel il s’assied. Mais
il ne voit pas en revanche l’état pitoyable de l’infrastructure, car nul doute
que ce jeu politicien peut devenir dangereux et engendrer des baisses de
vitesse chroniques voire des accidents dû à la qualité de la signalisation
(Godinne en Belgique).
L’interrogation principale est de savoir s’il est
normal que l’infrastructure subventionne les services voyageurs, ou l’inverse.
Dès l’instant où l’Etat exige des politiques sociales, il est acquit que le
déficit devient la pierre angulaire de toute politique de transport par rail.
Faut-il rogner les budgets sur l’infra plutôt que sur les trains ? Sur ce
point, droite et gauche s’étripent comme pas deux. La séparation en deux
entités, pourrait peut-être calmer le jeu. Alors, pour ou contre les
subventions croisées, le débat – animé – n’est certainement pas clos.
Le graphique horaire
La clé de l’exploitation ferroviaire, c’est bien
entendu le graphique horaire puisque la circulation de tout train doit
préalablement être « prévue » sur papier. On a pu déjà voir un épique
débat avec le transfert de la « Direction des Circulations
Ferroviaires » de la SNCF vers RFF, ou promise comme telle pour 2012-2013
(voir la chronique RFF-SNCF, qui décide du rail en France).
En Suisse, les CFF remettent tous les deux ans leur projet d’horaire annuel à
l’OFT (voir la chronique sur la Suisse ). Le droit de
regard de l’Etat sur la quantité de trains exploités est on ne peut plus
variable d’un pays à l’autre, souveraineté nationale oblige. Un élément de
réponse pourrait être la création d’une Direction des Circulation Ferroviaire
au sein d’un ministère puissant. Les quantités de train à exploiter, ainsi que
la longueur du réseau à entretenir, devraient être notifié noir sur blanc dans
un contrat de gestion de 4 à 5 ans. Le graphique horaire serait conçu pour
favoriser tous les trafics, en mettant les « régionaux et express »
au premier plan entre lesquels se faufilent des circulations fret SANS les
faire arrêter tous les quinze kilomètres sur une voie de garage. La nuit, elle,
reviendrait entièrement au fret et aux entretiens de voies. Difficile ?
Politiquement, il parait que oui…
(2) Rapport sur ce lien
(3) A titre purement illustratif, le rapport sur les infrastructures d’économie suisse publié en juillet
2012 et les commentaires de Jean-Christophe Schwaab,
conseiller PS vaudois.
Vos commentaires sur mediarail@hotmail.com
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